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Auteur de cette page : Claude Got

Après le vote en première lecture au Sénat le 27 janvier 2000 de la proposition de loi du sénateur Pierre Fauchon,  le texte a été étudié par l'Assemblée le 5 avril 2000.

Des associations de victimes ayant manifesté leur opposition à ce texte, et alors que le Sénat devait l'étudier en seconde lecture le 30 mai, le gouvernement a décidé de différer cet examen et de constituer une commission destinée à étudier les conséquences du texte de loi sous la forme adoptée par l'Assemblée.

Utilisant la possibilité de fixer unilatéralement, un jour par an, son ordre du jour, le Sénat a choisi de poursuivre l'étude de la proposition de loi en seconde lecture le jeudi 15 juin, ce qui supprime toute possibilité d'analyse des conséquences du texte sur des dossiers réels par la commission mise en place par Madame la ministre de la justice. Cette décision permet au Sénat d'imposer ce texte sans second passage devant l'Assemblée en l'adoptant sans modification.

Le gouvernement s'est opposé à cette manoeuvre en utilisant l'article 49-3 de la constitution qui lui permet d'imposer un vote bloqué sur un texte incluant ses amendements. A la suite de cette décision le Sénat a décidé de suspendre l'étude du texte.

Une négociation entre la ministre de la justice et les rapporteurs a finalement débloqué la situation et le texte a été à nouveau étudié par le Sénat le 28 juin puis par l'Assemblée le 29 juin. Le vote de l'Assemblée étant conforme a celui du Sénat le texte est devenu définitif, la loi du 10 juillet 2000 a été publiée au JO du 11 juillet 2000.

Textes publiés sur le site commentant ces derniers développements

Article de "Libération" du 9 juin, avec l'interview d'Edmond-Luc Henry et de Michel Parigot

Communiqué des associations en date du 16 juin

"Rebonds" de "Libération du 28 juin" de Claude Got et de Michel Parigot

Commentaires  ( en date du 30 juin) :

Le Gouvernement ne s'est pas assez méfié du clientélisme du Sénat et de son absence complète de préoccupation de son image dans l'opinion publique. Constitutionnellement incapable de faire passer un texte législatif "ordinaire" ne relevant pas d'une décision conjointe des deux assemblées, il a un rôle secondaire dans l'élaboration de la loi, intervenant principalement dans la mise au point de textes consensuels. Pour le texte qui nous intéresse l'initiative est venue de la droite sénatoriale, mais elle correspondait à une préoccupation partagée par l'ensemble des sénateurs. Le Gouvernement qui s'était engagé à réduire le risque de mise en examen des élus locaux a accepté que la proposition de loi du sénateur Pierre Fauchon soit examinée en première lecture par le Sénat fin janvier. La venue rapide devant l'Assemblée le 6 avril n'a pas permis d'avoir une analyse approfondie des conséquences du texte et la réaction des associations le jour du débat a provoqué l'inquiétude de l'opposition parlementaire qui s'est abstenue, laissant la gauche prendre en charge la responsabilité du vote du texte. Cette attitude était bien entendu une erreur car l'adoption pratiquement sans changement du texte du Sénat refermait le piège. Le Sénat pouvait en seconde lecture l'adopter tel quel et éviter ainsi un retour à l'Assemblée qui aurait pu introduire des modifications importantes.

La seule possibilité offerte au gouvernement pour répondre aux demandes d'une légitimité évidente des associations était alors d'utiliser sa maîtrise de l'ordre du jour du Parlement pour suspendre l'examen en seconde lecture par le Sénat le 30 mai. Il était alors possible de mettre en place une commission analysant en détail les conséquences de cette nouvelle rédaction du code pénal, ce qui n'avait été fait ni par la commission du Sénat, ni par celle de l'Assemblée, ni par le ministère de la justice. C'était sans compter sur la nouvelle possibilité accordée à l'Assemblée et au Sénat d'être maître de leur ordre du jour une fois par an ! Faite pour donner un peu d'air aux assemblées, jusqu'alors totalement soumises dans leur emploi du temps au bon vouloir du gouvernement, cette liberté était en fait redoutable. Le gouvernement qui l'a instituée imaginait pouvoir facilement la maîtriser. Si l'opposition était majoritaire au Sénat et votait un texte "inopportun", il était facile de le faire rejeter par l'Assemblée et tout était à refaire. La situation est bien différente si un texte venant de la majorité sénatoriale passe "par surprise" le filtre des députés, il est alors possible de lui faire achever le parcours  au Sénat en utilisant ce nouveau droit.

Le second débat au Sénat (15 juin) a bien précisé les problèmes posé par cette proposition de loi, ce qui n'avait pas été le cas lors de la première lecture, que ce soit au Sénat et à l'Assemblée. Il faut le lire intégralement pour comprendre qui est sincère et qui ne l'est pas dans l'attitude des uns et des autres.

Une partie du débat a été à juste titre consacrée à  l'opportunité de clore rapidement l'étude de cette proposition de loi par l'acceptation d'un texte conforme à celui adopté par l'Assemblée, ce qui évitait un retour du texte devant cette dernière et mettait fin au débat parlementaire. Tout la différence entre un débat sincère et un débat bâclé pour éviter toute remise en question des choix inappropriés du Sénat est dans cette précipitation. Le Sénat souhaitait majoritairement éviter que la concertation avec les associations fasse apparaître le caractère totalement inapproprié de la distinction entre la causalité directe et la causalité indirecte dans la production d'un dommage et l'appréciation judiciaire des responsabilités.

La seconde remarque que je souhaite faire à propos de ce débat concerne le mépris exprimé par certains sénateurs à propos d'interventions publiques faites dans les médias sur cette proposition de loi. A les entendre seuls les juristes seraient capables de lire le code pénal et de le comprendre. La loi ne serait donc plus faite pour les citoyens qui sont pourtant censés ne pas l'ignorer, elle serait d'abord l'affaire des juristes, qui sont bien sur les seuls capables de construire une telle "usine à gaz" incompréhensible pour le commun des mortels. Comprendre que la notion de causalité est d'abord une notion de logique scientifique ne semble pas effleurer la majorité du Sénat. C'est en vivant avec de telles oeillères qu'une assemblée parlementaire perd ses relations avec la réalité et se limite à des pratiques clientélistes favorisées par son mode d'élection. Perdre le contact avec la réalité d'un monde en évolution est un trait commun aux structures vieillies et obsolètes. Le seul espoir est que cette involution précède habituellement leur disparition.