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Rapport sur les autopsies médico-scientifiques

 

Rédigé à la demande de Monsieur Hervé GAYMARD,

Secrétaire d’Etat à la Santé et à la Sécurité Sociale

 

Claude GOT

Hôpital Ambroise Paré – 92104 Boulogne

(17 octobre 1996 - 30 avril 1997)

 

Plan

 

Lettre de mission de Monsieur Hervé GAYMARD                                       

 

Avertissement                                                                                         2

 

Rapport N°1

1 - Le problème

2 - La situation actuelle

3 - Ma proposition

 

Rapport N°2

1 - Préambule,

2 - Définition du problème,

3 - Les mots et les pratiques,

4 - Rappel de l’évolution des lois sur les autopsies et les prélèvements sur le cadavre,

5 - L’évolution de la situation depuis le vote de la loi de 1994,

6 - Les solutions envisageables,

7 - Conclusions.

 

Rapport N°3

1 - Les partenaires

2 - L’autopsie, le médecin et le système de soins

3 - L’autopsie et la liberté individuelle

4 - La situation de départ lors du dépôt du projet de loi

5 - L’initiative de la catastrophe

6 - Les dernières évolutions du texte au cours du premier semestre de 1994

7 - Conclusions

 

ANNEXES


Avertissement

       Le caractère insupportable, scandaleux, d’une situation est une notion relative. Il dépend des références personnelles de chacun d’entre nous. La connaissance scientifique et la rationalité n’apporteront pas de réponses aux questions fondamentales de l’humanité, mais elles permettent de rendre des services aux individus. Je préfère être soigné par un médecin qui cherche à savoir et qui a un comportement rationnel, que par un gourou illuminé ou un ignorant. Avec ces références je considère la régression de l’autopsie médico-scientifique comme un scandale de santé publique organisé par la loi de 1994 dite loi bioéthique.

       Le journal “ The Lancet ” présentait en 1996 (annexe 1 - vol 348, pages 1239-1240) deux nouveaux cas de maladie de Creutzfeld -Jakob, l’un allemand complètement documenté, avec une autopsie précisant les lésions cérébrales, l’autre français, avec une simple biopsie cérébrale, sans examen du cerveau faute d’autopsie, donc avec un doute sur la topographie des lésions, laquelle est un argument majeur en faveur d’une encéphalopathie d’origine bovine.

       Il y a quelques semaines, le responsable d’un service d’anatomie pathologique me demande conseil par téléphone, sachant que je rédige un rapport sur les autopsies. Un malade décédé dans son établissement a probablement une encéphalopathie spongiforme, le responsable du service clinique se demande s’il doit prévenir la famille avant de faire l’autopsie. Je lui indique que la loi est rédigée de telle façon que l’on peut aussi bien la prévenir avant qu’après. Ne voulant pas utiliser l’ambiguïté de la législation, le médecin en parle à la famille qui refuse tout prélèvement sur le corps et menace d’un procès s’ils sont effectués. L’autopsie ne sera pas faite.

       En 1994, une loi trop ambitieuse pour être réussie dans tous les domaines traités a organisé la destruction d’un élément de la sécurité sanitaire : l’autopsie médico-scientifique. Les effets de cette loi sont maintenant évidents, il est indispensable que le Gouvernement et le Parlement provoquent au cours des mois qui viennent une modification de la partie concernée de ce texte, sans attendre les cinq ans prévus pour revoir les dispositions qui se sont révélées inappropriées et dangereuses.

       J’ai adapté la forme de ce rapport à la disponibilité de ceux qui s’y intéresseront. La multiplication des décisions dans une société qui tente de résoudre ses problèmes en les compliquant réduit le temps de la lecture et de la réflexion. Pour tenir compte de cette situation j’ai rédigé trois textes complémentaires.

       Le premier rapport est un résumé destiné aux lecteurs pressés, en une carte, un rappel de la loi et trois pages. J’ai résumé le problème posé, précisé la nature de l’impasse où la loi sur la bioéthique nous a engagés, et formulé la proposition d’action qui a ma préférence.

       Le second rapport est destiné aux lecteurs qui veulent avoir une vision plus complète du problème. Il est analytique, définit la terminologie, rappelle des faits historiques, les principaux facteurs qui influencent une telle situation et les solutions possibles, qui ne se limitent pas à celle qui a ma préférence.

       Le troisième rapport tente d’expliquer aux lecteurs curieux qui veulent comprendre comment un pays où la sécurité sanitaire est une obsession verbale a organisé la destruction d’un élément important de sa sécurité. Il insiste donc sur les causes profondes de cette évolution et sur le rôle de ceux qui l’ont déterminée. Des publications scientifiques, des articles de presse, des textes écrits par les professionnels qui pratiquent les autopsies, des extraits de débats parlementaires, aident à comprendre comment l’on adopte une décision que je considère comme dangereuse et inadaptée.

 

 

La loi bioéthique de 1994

Les commentaires de l'auteur du rapport sont en italiques.

 

Section 3

 

       "Du prélèvement d'organes sur une personne décédée.

 

           "Art. L. 671-7. - Le prélèvement d'organes sur une personne décédée ne peut être effectué qu'à des fins thérapeutiques ou scientifiques et après que le constat de la mort a été établi dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.

                  

       "Ce prélèvement peut être effectué dès lors que la personne concernée n'a pas fait connaître, de son vivant, son refus d'un tel prélèvement.

 

       "Ce refus peut être exprimé par l'indication de  sa volonté sur un registre national automatisé prévu à cet effet. Il est révocable à tout moment. Les conditions de fonctionnement et de gestion du registre sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.

 

Les deux alinéas indiquent que les prélèvements à des fins scientifiques peuvent être effectués en l'absence de REFUS.

"l'indication de sa volonté sur un registre national automatisé" permet d'organiser soit un fichier limité à l’enregistrement de la volonté de ceux qui effectuent la démarche de s’y inscrire, soit un fichier de la quasi-totalité de la population si une démarche de questionnement systématique est entreprise. Les résultats pratiques seraient totalement différents.

      

       "Si le médecin n'a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s'efforcer de recueillir le témoignage de sa famille.

      

       "Art. L. 671-8. - Si la personne décédée était un mineur ou un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection légale, le prélèvement en vue d'un don ne peut avoir lieu qu'à la condition que chacun des titulaires de l'autorité parentale ou le représentant légal y consente  expressément par écrit.

      

       "Art. L. 671-9. - Aucun prélèvement à des fins scientifiques autres que celles ayant pour but de rechercher les causes du décès ne peut être effectué sans le consentement du défunt exprimé directement ou par le  témoignage de sa famille.

      

Quels sont les critères permettant de différencier l'autopsie scientifique pour préciser les causes du décès et les autres autopsies scientifiques ? Pour les prélèvements autres que ceux ayant pour but de préciser les causes du décès, l'absence de refus du L671-7

devient un consentement. Les deux articles sont contradictoires.

 

 

       "Toutefois, lorsque le défunt est un mineur, ce consentement est exprimé par un des titulaires de l'autorité parentale.

      

       "La famille est informée des prélèvements effectués en vue de rechercher les causes du décès.

 

Le temps de conjugaison semble indiquer que la famille peut être informée après la réalisation des prélèvements. Cette obligation s’ajoute-t-elle à celle de l’article 671-9 (recueil du témoignage de la famille) ?