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Résumé des points importants du débat parlementaire concernant les autopsies médico-scientifiques

il y a eu plusieurs épisodes dans cette série d'erreurs.

  • l'erreur initiale de Jean-François Mattei qui introduit la distinction absurde entre le prélèvement dans un but médical et le prélèvement dans un but scientifique, ce dernier imposant la consultation de la famille, contre l'avis de la commission et malgré de multiples mises en garde (notamment une interrogation très précise de Jacques Toubon “ Allons-nous régresser si nous adoptons l’amendement de Jean-François Mattei ? ”

  • le gouvernement (Bernard Kouchner) réussit à limiter les dégâts de l'amendement Mattei en excluant de son application les autopsies destinées à préciser les causes du décès.

  • le Sénat ne suit pas cet avis et aggrave les dispositions de l'amendement exigeant une démarche auprès de la famille (le rapporteur est Jean Chérioux).

  • en seconde lecture à l'Assemblée, le gouvernement (Simone Veil) réussit à nouveau à sauver l'autopsie médico-scientifique en modifiant le texte avec l'accord du rapporteur (Jean-François Mattéi).

  • le Sénat supprime à nouveau ces dispositions avec une prise de position du rapporteur Jean Chérioux qui témoigne d'une méconnaissance totale du problème ("Il apparaît en effet que beaucoup d’autopsies médicales peuvent avoir un intérêt pour la famille. Pourquoi donc s’affranchir du recours à son témoignage ? Il est en effet à peu près certain qu’elle acceptera l’autopsie ”.).

  • le texte va en commission mixte paritaire où le rapporteur de l'Assemblée et ses collègues vont se rallier à la position du Sénat, condamnant la pratique de l'autopsie destinée à préciser les causes de la mort.

Il serait évidemment abusif de faire porter à Jean-François Mattéi l'intégralité de la responsabilité de cette faute dans le domaine de la sécurité sanitaire. Il est indiscutable qu'il a été à l'origine de la décision fatale à l'autopsie médico-scientifique en exigeant qu'il y ait une démarche auprès de la famille après la mort. Dans un second temps il a reconnu la nécessité de sauvegarder "l'autopsie destinée à préciser les causes du décès", ce qui détruisait son idée initiale, car on peut prétendre que toute autopsie scientifique est destinée à préciser les causes du décès. Malheureusement le Sénat s'était emparé de "l'amendement Mattéi" et a supprimé à deux reprises les ajouts faits par l'Assemblée pour en neutraliser les conséquences. La responsabilité du sénateur Jean Chérioux a été particulièrement importante dans cette procédure désastreuse. Au moment décisif, c'est-à-dire lors d'une commission mixte paritaire qui n'aurait jamais du avoir lieu sur un texte aussi difficile qui évoluait depuis deux ans et pouvait encore faire une navette, le rapporteur de l'Assemblée, Jean-François Mattéi a malheureusement cessé de faire de ce point un sujet de conflit avec le Sénat et il s'est aligné sur la position de Jean Chérioux, le gouvernement a laissé faire et la mesure la plus dévastatrice de la loi bioéthique dans le domaine de la sécurité sanitaire a été adoptée.

La partie initiale du débat (elle a introduit la modification du projet de loi gouvernemental à l'origine du désastre)
Le texte ci-dessous est un extrait de la troisième partie de mon rapport de 1997.      

      C’est dans le dernier trimestre de 1992 que le projet de loi est étudié par l’Assemblée Nationale. Une première indication sur la partie concernée par ce rapport est contenue dans l’intervention du professeur Jean-François Mattei (Annexe sur le compte rendu de séance du 20 novembre 1992 page 5782). “ Le législateur dans sa sagesse, a adopté en 1976 la notion de consentement présumé. Mais les médecins éprouvent toujours quelque scrupule à se contenter du consentement présumé, car ils ont toujours en tête cette idée : est-ce que je respecte la volonté, la liberté de cet homme qui vient de mourir ? Aussi les dispositions proposées dans le texte de loi soumis à la discussion me semblent-elles bonnes, car elles ajouteront au consentement présumé deux vérifications supplémentaires qui ne devraient pas nuire ”.

            Lors de la première séance du 24 novembre 1992, la discussion du projet article par article est particulièrement intéressante.

- Jean François Mattei (p.5937) propose de supprimer les mots “ ou scientifiques ” du texte pour réserver le consentement présumé aux prélèvements dans un but thérapeutique, alors qu’un consentement explicite serait appliqué aux prélèvements scientifiques. Le rapporteur indique que la commission a refusé cet amendement, et qu’il attend une nouvelle proposition du Gouvernement sur ce problème. Dans une nouvelle intervention Jean-François Mattei développe la distinction entre des prélèvements “ médicaux ” et “ scientifiques ”, il rassemble sous le vocable de prélèvements médicaux ceux qui sont destinés à des greffes et les autopsies ayant une finalité médicale, par exemple en permettant de mieux conseiller une famille sur une maladie génétique.

            La crainte de faire régresser la connaissance par l’adoption de mesures trop restrictives est présente dans ce débat, y compris dans la bouche de ceux qui soutiennent la distinction souhaitée par Jean-François Mattei. Jacques Toubon pose clairement la question (p.5938) “ Allons-nous régresser si nous adoptons l’amendement de Jean-François Mattei ? ” Le ministre de la santé et de l’action humanitaire Bernard Kouchner prend nettement position pour l’unicité du traitement législatif des deux types de prélèvements (p.5938)   Il faut donc, monsieur Mattei, en rester au consentement présumé pour l’autopsie et le prélèvement scientifique, faute de quoi nous ne pourrions pas faire le travail hospitalier courant ”.

            Dans la suite du débat apparaît une solution de compromis qui permettrait d’isoler une forme de prélèvement dans un but “ purement scientifique ” qui serait soumis à l’accord explicite de la personne exprimé de son vivant et les prélèvements destinés à préciser les causes du décès qui échapperaient à cette exigence. Cette solution est proposée par le Gouvernement.

            Lors de la seconde séance du 24 novembre, une série d’amendements envisagent successivement toutes les possibilités d’expression de la volonté des personnes dans les différentes circonstances envisagées lors de la séance précédente. Le lecteur peut se reporter à cette longue discussion dans le compte rendu des débats (p.5945 à 5950). Il faut savoir que c’est finalement l’amendement proposé par le Gouvernement qui va instituer la nécessité de rechercher auprès de la famille et des proches l’absence de refus de l’intéressé pour les prélèvements destinés à des greffes et la possibilité d’exprimer son refus sur un registre automatisé. C’est également le Gouvernement qui va proposer l’amendement numéro 207 destiné à placer dans un cadre spécial l’autopsie visant à préciser les causes du décès et à exiger le consentement du défunt pour les autres prélèvements scientifiques (p.5950). Cet amendement ajoutant un article 667-8bis à la loi est ainsi rédigé : “ Aucun prélèvement à des fins scientifiques autres que celles ayant pour but de rechercher les causes du décès ne peut être effectué sans le consentement du défunt exprimé directement ou par le témoignage de sa famille ”.

            Nous pouvons donc dire que c’est au cours de ce débat du 24 novembre que tout s’est joué. Initialement la commission voulait modifier le texte du projet de loi en rendant obligatoire la consultation de la famille sur la volonté du défunt et certains de ses membres voulaient distinguer plusieurs formes de prélèvements scientifiques. Le Gouvernement a finalement accepté cette double modification de la loi Caillavet et de son texte initial en proposant lui-même des amendements qui ont intégré la consultation obligatoire de la famille et qui exigeaient le consentement du défunt pour les prélèvements scientifiques, à l’exclusion de ceux destinés à préciser les causes du décès.

            Le bilan de cette journée était le suivant :

- prélèvements d’organes pour transplantation : pas de modification importante de la situation de fait, les transplanteurs avaient l’habitude de consulter la famille lors des prélèvements à coeur battant qui marquaient la fin des maneuvres de réanimation,

- prélèvements d’organes après le décès (cornées, os, peau etc.), modification importante de la situation, il fallait s’efforcer de recueillir le témoignage de la famille, alors que ce n’était ni fait ni obligatoire dans la loi Caillavet,

- prélèvement dans un but scientifique : modification de la situation antérieure, l’absence de refus ne suffisait plus, il fallait rechercher un consentement du défunt auprès de la famille,

- autopsie : modification dans le sens d’une facilitation, plus aucun obstacle n’existait après ce “autres que celles ayant pour but de rechercher les causes du décès” qui excluait la nécessité de rechercher le consentement, sauf à considérer que cet article devait obligatoirement se combiner aux dispositions de l’article 667-7 et que la recherche d’une absence de refus auprès de la famille demeurait nécessaire pour l’autopsie.

           

            Exprimé plus simplement, le texte à sa sortie de la première lecture à l’assemblée était complexe (trois types de prélèvements), contenait des contradictions (exigence de non refus se transformant quelques lignes plus loin en exigence de consentement), et demeurait ambigu pour le sort des autopsies destinées à préciser les causes du décès (le consentement n’était plus exigé mais l’absence de refus apparaissait une condition moins nettement précisée).

 

 Les dernières évolutions du texte au cours du premier semestre de 1994

 

            Les modifications apportées par l’Assemblée au projet de loi de 1992 avaient provoqué une réaction des professionnels concernés par l’autopsie médico-scientifique. L’Association des enseignants et des chercheurs en anatomie et cytologie pathologiques, la Société française d’anatomie normale et pathologique et le Syndicat national des anatomo-pathologistes français avaient produit une analyse conjointe de la situation (annexe 9) et proposé de maintenir les dispositions de la loi Caillavet sans rechercher auprès de la famille la volonté du défunt. Ce texte exprimait clairement l’inquiétude provoquée par des dispositions qui apparaissaient trop complexes pour être facilement applicables.

            En janvier 1994 c’est au tour du Sénat d’examiner ce texte, rappelons qu’entre temps la majorité parlementaire a changé de bord à l’Assemblée Nationale et que les ministres qui participent au débat ne sont pas ceux de 1992.

            Les articles 667-7 et suivants sont analysés dans la séance du lundi 17 janvier. Deux modifications importantes interviennent. Le Sénat supprime le registre automatisé avec des arguments contradictoires, soit il serait inopérant, trop peu de gens y faisant inscrire leur volonté, soit il serait dangereux pour la transplantation, son succès risquant d’augmenter la proportion de refus. La seconde modification est beaucoup plus importante et exprime la confusion introduite par l’Assemblée dans le domaine des prélèvements à but scientifique. Avec un certain bon sens le Sénat refuse la distinction introduite entre les prélèvements à but thérapeutique et ceux qui ont un but scientifique. Il utilise dans ce but une méthode sans nuance, la suppression de l’article 667-8bis. Il supprime du même coup la nécessité de rechercher le consentement du défunt auprès de la famille et les dispositions particulières introduites dans cet article sur l’autopsie destinée à préciser les causes du décès. L’ambiguïté de cet article apparaît alors clairement puisque sa suppression est décrite comme un acte favorable à l’autopsie par le ministre délégué Philippe Douste Blazy exprimant le soutien du Gouvernement à l’amendement supprimant l’article 667-8bis : “ Il convient donc de ne pas multiplier inutilement les exceptions et de ne pas rendre plus difficiles les prélèvements opérés pour des fins scientifiques et pour les autopsies pratiquées afin de découvrir les causes du décès ”. En réalité la suppression de cet amendement était avantageux pour les prélèvements “ purement scientifiques ” qui réintégraient la loi commune, mais désastreux pour les autopsies destinées à préciser les causes de la mort qui réintégraient également ces dispositions communes, c’est-à-dire étaient à nouveau soumises à la règle de la recherche de l’avis du défunt auprès de la famille.

            Ces évolutions brutales et importantes du texte de la loi font alors redouter le pire aux pathologistes qui vont rencontrer les deux rapporteurs et leur remettre le texte rédigé en commun par les différentes structures de la profession, actualisé après le passage de la loi au Sénat. C’est avant le passage du texte en seconde lecture à l’Assemblée que nous adressons ces documents à la presse, un seul journal exprimera clairement notre inquiétude, “ Le Monde ” dans un article du mercredi 23 mars 1994 signé de Jean Yves Nau et intitulé : “ l’autopsie en danger de mort ” (annexe 6).

            En avril 1994, le projet de loi est rediscuté à l’Assemblée Nationale. Le jeu des rénumérotations d’articles a transformé les articles 667-7 et 667-8 en 671-7 et 671-8. L’article 671-7 et les suivants sont étudiés dans les 2ème et 3ème séances du jeudi 14 avril. Dès le début du débat sur ces articles Jean-Yves Le Déaut exprime bien l’ambiguïté du texte : “ Le législateur semble mal à l’aise : il pose le principe du consentement présumé mais demande au médecin de s’efforcer de recueillir un témoignage auprès de la famille et des proches. Il indique parfaitement que le problème posé par la loi Caillavet n’était pas la notion de consentement présumé, mais l’insuffisance d’information du public. Il est surprenant de constater à quel point les problèmes furent bien cernés par les orateurs qui ont participé au débat, sans que les conséquences logiques de leur réflexion se traduisent dans le texte. Les amendements proposés opposent ceux qui souhaitent un accord explicite exprimé du vivant et ceux qui veulent revenir à la loi Caillavet, le rapporteur propose un amendement pour l’article 671-7 qui revient au texte déjà adopté par l’Assemblée deux ans auparavant. Il s’agit de la solution intermédiaire, pas d’accord explicite mais on vérifie l’absence de refus par une procédure explicite. Le registre automatisé est recréé et surtout le recueil du témoignage de la famille réapparait comme une obligation. Cet amendement est adopté. Une fois le débat à nouveau verrouillé sur ce point, réapparait le désir de favoriser l’autopsie médico-scientifique, le législateur réalisant bien que la consultation de la famille va la mettre en péril. Le rapporteur propose alors (p.835) un amendement rétablissant l’article supprimé par le Sénat (devenu le 671-9) qui distingue à nouveau les prélèvements dans un but scientifique, (avec une exigence de recherche du consentement du défunt) des prélèvements destinés à préciser les causes du décès. Survient alors un événement très important pour l’interprétation de la loi actuelle, sous la forme d’une intervention du ministre d’état, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, Simone Veil. Elle propose d’ajouter un sous-amendement (numéro 264, p.836) qui précise que les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 671-7 (le compte rendu des débats indique par erreur 671-9 !) s’appliquent aux prélèvements destinés à préciser les causes du décès. Cet amendement est rédigé sous la forme suivante : “ Le deuxième alinéa de l’article L-671-7 est applicable aux prélèvements destinés à préciser les causes du décès ”. En clair cela signifie que le Gouvernement s’était rendu compte que l’articulation des deux groupes de dispositions adoptées, celles générales de l’article 671-7 et celles particulières aux prélèvements dans un but scientifique de l’article 671-9 étaient très mal coordonnées. Si l’on considérait l’article 671-9 comme indépendant, il n’y avait plus aucune limite aux prélèvements destinés à préciser les causes du décès. Le ministre a donc souhaité rétablir l’application à ces prélèvements de la règle fixée à l’alinéa 2 de l’article 671-7 :  “ Ce prélèvement peut être effectué dès lors que la personne concernée n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement ”. Il faut remarquer que le ministre n’a pas placé dans son amendement une référence à l’alinéa suivant qui introduisait la recherche de la volonté de la personne concernée auprès de la famille. Cette disposition sauvait l’autopsie médico-scientifique en rétablissant en pratique la loi Caillavet : accord présumé sans recherche explicite de la volonté du défunt. Après le vote de cet amendement particulièrement important, le Ministre a souhaité en préciser la rédaction et a demandé une seconde délibération sur cette partie du texte. Le court débat sur cette demande se situe au début de la troisième séance du 14 avril, (pages 841-842). La seconde délibération est rapportée dans les pages 912 à 914 du compte rendu de la séance du 15 avril 1994 (cette seconde délibération n’a pas eu lieu immédiatement après la demande du gouvernement mais à la fin de l’examen des différents articles du texte). La modification du texte est la suivante : “ Le deuxième alinéa de l’article L-671-7 est applicable aux prélèvements destinés à préciser les causes du décès  ” est remplacé par : 

 “ Le deuxième alinéa de l’article L-671-7 est applicable à tous les prélèvements ”.  Cette seconde délibération fait bien apparaître le soutien du rapporteur Jean François Mattei à ces nouvelles dispositions qui sauvegardent l’autopsie médico-scientifique, mais il est tard pour revenir sur les erreurs de la première lecture à l’Assemblée, le Sénat risque d’avoir des difficultés à suivre l’évolution des députés.

Le second passage devant le Sénat de la partie du texte concernant les prélèvements d’organes sur le cadavre intervient le mardi 17 mai 1994. Dans son intervention introductive (p.1585), le ministre d’état, madame Simone Veil, rappelle l’importance de l’autopsie dans le contrôle de la qualité des soins et indique qu’à la demande du Gouvernement, l’Assemblée Nationale a souhaité que les prélèvements effectués lors d’autopsie “ obéissent à une procédure plus simple que les prélèvements en vue de dons et qu’on se borne à appliquer, comme c’est le cas aujourd’hui, la règle du consentement présumé ”. Elle insiste sur l’intérêt de santé publique de telles dispositions. L’intervention initiale du rapporteur, Jean Chérioux, indique d’emblée que le Sénat n’a en rien modifié sa position et que la commission propose de supprimer toutes les dispositions reprises ou nouvellement adoptées par l’Assemblée Nationale. Il s’agit en particulier du registre des refus de prélèvements et les dispositions spécifiques pour les prélèvements scientifiques et pour les autopsies, qui rejoignent le régime commun du consentement présumé avec recours éventuel au témoignage de la famille. Une phrase de cette présentation de la position de la commission est particulièrement intéressante : “ Il apparaît en effet que beaucoup d’autopsies médicales peuvent avoir un intérêt pour la famille. Pourquoi donc s’affranchir du recours à son témoignage ? Il est en effet à peu près certain qu’elle acceptera l’autopsie ”. Malgré les documents qui lui ont été donnés par des spécialistes de l’autopsie et l’entretien oral que nous avions eu avec le rapporteur (le Président de l’Association des enseignants et des chercheurs en anatomie pathologique, le Président du Syndicat des Anatomopathologistes et moi-même), la position de la commission du Sénat demeurait d’un dogmatisme absolu, déconnectée des réalités. L’idée que l’autopsie médicale va dans de nombreux cas bénéficier directement à la famille est contraire à la vérité. C’est la collectivité qui va bénéficier d’un contrôle de qualité visant d’abord à améliorer les actes et la compétence des médecins. Ce rôle de santé publique de l’autopsie est au premier rang des arguments des anatomopathologistes qui défendent l’autopsie. Savoir reconnaître des erreurs de diagnostic, des complications thérapeutiques, médicales ou chirurgicales, former des étudiants, contribuer à la recherche, n’a rien à voir avec l’autopsie qui révélerait une pathologie familiale dont la connaissance pourrait bénéficier aux autres membres de la famille. L’erreur d’appréciation exprimée par la phrase de Jean Chérioux est totale. Il ne faut pas espérer du Sénat une défense de l’intérêt de santé publique. L’article 671-9 est une nouvelle fois supprimé. Tous les efforts du Ministre d’Etat et du rapporteur de l’Assemblée pour tenter de sauver l’autopsie médico-scientifique sont réduits à néant.

              Les données disponibles du débat parlementaire s’arrêtent à ce point. Le texte ne continuera pas sa navette entre le Sénat et l’Assemblée. Pour éviter la poursuite de la discussion, le Gouvernement demande la formation d’une commission mixte paritaire. Cette procédure permet de sortir d’un conflit entre les deux assemblées, le texte produit par la commission passe devant les deux assemblées et il ne peut être modifié sans provoquer le retour devant l’Assemblée Nationale qui a le dernier mot. Une telle procédure est discutable quand il s’agit de mettre au point un texte de société aussi complexe. Il était probablement nécessaire au stade où le texte était parvenu de demander aux commissions de revoir les professionnels qui pouvaient les informer et préciser certains points très mal compris du Parlement. Il me semble extravagant qu’un texte sur les autopsies soit adopté sans que les commissions aient reçu les spécialistes qui les pratiquent. Nous ne connaissons pas les arguments développés lors de la réunion de la commission mixte paritaire car les débats devant cette commission ne sont pas rendus publics. Nous connaissons simplement le résultat. Malgré une dernière tentative de sauvetage de l’autopsie que j’adresse au journal “ Le Monde ” (1er juin 1994, annexe 10), la commission mixte paritaire va achever la rédaction d’un texte complexe, incohérent et destructeur de l’autopsie. La recherche de l’avis du défunt par le  témoignage de la famille, le registre automatisé des refus, l’article qui donne un cadre particulier aux prélèvements dans un but scientifique et en exclut l’autopsie, sont rétablis. Une disposition supplémentaire supprime tout l’intérêt d’avoir exclu l’autopsie pour préciser les causes du décès des dispositions concernant les autres prélèvements scientifiques. Quand de tels prélèvements sont  pratiqués, la famille doit en être informée. Cette disposition conduit à l’impasse actuelle, ces dispositions ne sont pas appliquées, les centres qui les appliquent ont réduit dans des proportions catastrophiques le nombre d’autopsies, parfois de plus de 90%.