Chapitre 6
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CHAPITRE VI : Rendre la mise en examen moins systématique et moins traumatisante

 

1. Eviter les mises en examen trop précoces et favoriser l'information des magistrats sur des éléments de droit public.

 

A s'en tenir aux dispositions du Code de procédure pénale, et, plus précisément, aux articles 80-1 et 116, l'acte d'instruction que constitue la mise en examen pourrait se définir comme l'information donnée à la personne poursuivie de l'existence d'indices faisant présumer sa participation aux faits sur lesquels le juge doit instruire et être considérée comme un acte lui étant favorable, puisqu'elle fait d'elle une partie à l'instance en droit d'obtenir des avantages et des garanties propres à lui permettre d'assurer utilement sa défense.

De manière générale, cependant, les représentants des décideurs publics appelés à intervenir devant le groupe d'étude, ont évoqué leur inquiétude d'être mis en examen à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, les graves répercussions qu'une telle mesure est susceptible d'engendrer dans leur vie personnelle ou professionnelle ainsi que l'effet défavorable qu'elle peut représenter, dans l'opinion publique, et ceci nonobstant, d'une part, une modification terminologique intervenue en 1993 qui a fait de l'inculpé (terme renvoyant, étymologiquement à la notion de faute) un mis un examen et, d'autre part, le principe de la présomption d'innocence, dès lors que la mise en examen est rendue publique ou connaît des développements médiatiques.

Se prévalant d'éléments statistiques faisant ressortir un nombre de mises en examen particulièrement élevé par rapport aux condamnations réelles, ils en sont venus à dénoncer la trop grande célérité des juges d'instruction à faire accéder les décideurs publics à une situation ressentie comme peu souhaitable : celle de mis en examen.

Le juge d'instruction cela vient d'être rappelé tient, en effet, de l'article 80-1 du Code de procédure pénale le pouvoir de mettre en examen toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice, aux faits dont il est saisi.

La tendance des juges d'instruction à procéder rapidement à la mise en examen des personnes visées dans le réquisitoire ou dans la plainte qui le saisissent, critiquée et effectivement constatée, peut trouver diverses explications, qu'il s'agisse de la volonté de ne pas porter atteinte aux droits de la défense, de la crainte de voir tout ou partie de la procédure annulée sur le fondement de l'article 171 du Code de procédure pénale qui sanctionne la méconnaissance de formalités substantielles dès lors qu'il est porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ou du désir de répondre à l'émotion que peut susciter dans l'opinion publique des accidents fortement médiatisés.

Une telle pratique ne résulte, cependant, d'aucune exigence légale :

En présence d'un réquisitoire nominatif, rien n'oblige, en effet, le juge d'instruction à mettre en examen la personne dénommée. Il dispose d'un pouvoir d'appréciation qui lui permet, notamment, de n'entendre la personne que comme témoin, assisté d'un conseil (article 105 alinéa 3 du Code de procédure pénale) et même de rendre une ordonnance de non-lieu, sans qu'il ait besoin de mettre la personne en examen, s'il dispose de suffisamment d'éléments pour le faire (cf. Cass. Crim. 27 novembre 1963).

En l'absence d'un réquisitoire nominatif, étant observé qu'il est loisible au juge d'instruction de rendre, ds ce stade, une ordonnance de non-informer s'il lui apparaissait que l'action publique est éteinte ou que les faits ne sont pas incriminés, ce magistrat tient des dispositions de l'article 80-1 du Code de procédure pénale le pouvoir de conduire son information en toute indépendance et, par conséquent, de choisir le moment de la mise en examen de la personne à l'encontre de laquelle il existerait des indices laissant présumer qu'elle a participé aux faits dont il est saisi.

Elle ne se justifie, pas davantage, par l'état de la jurisprudence :

dans un arrêt ancien, rendu le 28 juillet 1899, la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà montré qu'elle approuvait un comportement de prudence en considérant qu'il est du devoir du juge d'instruction, avant de prendre un individu dans les poursuites, de recueillir des renseignements et de ne prendre parti sur la prévention qu'après s'être éclairé sur sa participation aux faits criminels relevés dans le réquisitoire introductif, dans des conditions de nature à engager sa responsabilité pénale.

Plus récemment, cette même Chambre, dans un arrêt rendu le 23 mars 1999, a approuvé une Chambre d'accusation d'avoir écarté le grief tiré de la violation de l'article 105 du Code de procédure pénale en estimant que le juge d'instruction, dans le cadre d'une commission rogatoire, était fondé à faire vérifier par l'audition d'une personne la vraisemblance des indices la concernant, sa mise en cause ne résultant que d'écoutes téléphoniques et de surveillances. Dans le même esprit, et s'agissant de la connaissance de faits nouveaux, non visés dans le réquisitoire, dont le juge d'instruction avait acquis la connaissance, elle a considéré, par arrêt rendu le 30 juin 1999, que ce magistrat pouvait en consigner la substance par procès-verbal et, le cas échéant, effectuer d'urgence des vérifications sommaires, à l'exception des actes coercitifs, pour en apprécier la vraisemblance.

Rien ne faisant, par conséquent, obstacle à ce que le juge d'instruction se donne un moment de réflexion ou s'entoure d'un surcroît d'informations avant de procéder à une mise en examen en procédant, comme il est dit à l'article 81 du Code de procédure pénale, conformément à la loi à tous actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité, le groupe d'étude a été amené à s'interroger sur les éléments qui seraient de nature à l'éclairer dans l'hypothèse où il serait saisi de faits mettant en cause un décideur public.

Deux propositions ont été retenues.

La première serait de suggérer au juge d'instruction (et même, en amont, au procureur de la République qui pourrait être à l'origine des poursuites) de susciter de l'administration à laquelle appartient le décideur public susceptible d'être mis en examen, une présentation objective de son système de fonctionnement ainsi que des missions, des fonctions, des compétences de son agent, du pouvoir et des moyens dont il disposait et des difficultés qu'il était susceptible de rencontrer. Un tel témoignage, que ne prohibe aucun texte, permettrait de vérifier s'il a, ou non, accompli les diligences normales, au sens du troisième alinéa de l'article 121-3 du Code pénal introduit par la loi du 13 mai 1996, auxquelles il était tenu.

Partant du constat que c'est par les décisions administratives qu'ils sont amenés à prendre que les décideurs publics s'exposent le plus souvent au risque pénal, la question doit être posée de savoir s'il entre dans les pouvoirs du juge d'instruction, compte tenu du principe de la séparation des pouvoirs, de se faire communiquer des actes administratifs ou des procès-verbaux de réunions de commissions administratives qui lui permettraient d'asseoir sa décision de mettre en examen le décideur public poursuivi. Il doit y être répondu par l'affirmative dans la mesure où, au plan pénal, ce principe ne limite pas l'action des juridictions. Il convient, à cet égard, de rappeler les dispositions de l'article 111-5 du Code pénal selon lesquelles les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs , réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui lui est soumis.

La seconde proposition, qui ne dépend pas des diligences du juge d'instruction, est de rappeler aux justiciables qu'il leur est toujours loisible de produire des documents susceptibles de parfaire les renseignements dont peut disposer le magistrat instructeur, sans que cela soit considéré comme un aveu de responsabilité.

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Le groupe d'étude n'a pas retenu la proposition du ministère de l'intérieur qui consistait à mettre en place, pour une meilleure prise en compte par les juridictions pénales d'éléments de droit public, une commission placée auprès de chaque procureur général qui serait composée paritairement de magistrats administratifs et des chambres régionales des comptes, d'élus et de fonctionnaires, et serait chargée de donner un avis sur l'opportunité de la mise en cause d'un élu ou d'un fonctionnaire.

Notamment parce qu'elle réservait un sort particulier à une catégorie de justiciables, cette voie de réforme qui, au surplus, alourdirait une procédure déjà assez lente, ne lui a pas paru opportune.

 

2. Favoriser l'usage de la procédure du témoin ou du témoin assisté.

Il est ressorti des auditions pratiquées par le groupe d'étude, notamment de celles de représentants d'élus locaux ou d'organisations syndicales, que les décideurs publics redoutent la mise en examen en raison des effets déstabilisants qu'elle produit sur leur vie tant personnelle que professionnelle, effets susceptibles de perdurer quand bien même ils auraient bénéficié d'un non-lieu ou d'une relaxe. Ils ont précisé qu'il leur paraissait plus opportun, en particulier lorsque leur participation aux faits dont le juge est saisi n'est pas certaine et qu'il conviendrait de susciter des explications, de faire le choix d'une solution alternative à la mise en examen.

Des textes existent actuellement, régissant ce que l'on appelle communément le témoin assisté, encore que cette expression recouvre plusieurs situations précisément envisagées aux articles 104 et 105 du Code de procédure pénale, qui paraissent susceptibles de répondre à cette attente dans la mesure où cette catégorie juridique intermédiaire permet, à la fois, d'éviter les inconvénients qui s'attachent à la qualité de simple témoin (privé de l'assistance d'un avocat, de l'accès au dossier de l'instruction et, par ailleurs, tenu de prêter serment) et les effets pervers de la mise en examen dénoncés, tout en préservant les droits de la défense.

Les dispositions de l'article 104 du Code procédure pénale concernent une personne nommément visée dans une plainte avec constitution de partie civile, à la suite de laquelle le procureur de la République a ouvert une information contre une personne non dénommée. Si le juge d'instruction décide de ne pas la mettre en examen, mais de l'entendre comme témoin, il doit l'avertir du droit d'être entendue comme témoin assisté qu'elle tire de l'article 104 du Code de procédure pénale. En en usant, elle bénéficiera d'une partie des droits reconnus à la personne mise en examen, essentiellement celui d'être assistée d'un avocat, de pouvoir accéder au dossier de la procédure et d'être avisée de la clôture de l'information. Elle n'est, néanmoins, pas considérée comme partie à la procédure et dépose sous serment, s'exposant au risque attaché au témoignage mensonger.

Les dispositions de l'article 105 alinéa 3 du Code de procédure pénale, telles qu'elles résultent de la loi du 24 août 1993, concernent une personne nommément visée dans le réquisitoire introductif du procureur de la République. La décision de n'entendre la personne qu'en qualité de témoin assisté n'appartient, alors, qu'au magistrat instructeur. S'il en décide ainsi, le texte précise clairement que cette personne bénéficie des droits reconnus aux personnes mises en examen ; cette différence de régime trouve sa justification dans le fait que le réquisitoire la désigne comme susceptible d'avoir participé aux faits poursuivis.

En l'état actuel de ces textes puisque le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence, actuellement débattu au Parlement, contient un article 7 prévoyant d'introduire huit articles dans le Code de procédure pénale dans une sous-section intitulée : du témoin assisté il y a lieu de constater que :

- dans le premier de ces cas (le témoin de l'article 104) rien n'oblige le juge à mettre en examen la personne visée dans la plainte, si ce n'est l'existence, à l'encontre de la personne, d'indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont (il) est saisi, compte tenu des termes impératifs de l'article 105 alinéa 1 de ce code ;

- dans le second cas, et sous la même réserve tenant à l'existence d'indices graves et concordants, la loi ne restreint pas la possibilité offerte au juge d'instruction d'entendre la personne visée dans le réquisitoire en la simple qualité de témoin assisté, le législateur laissant, à cet égard, au magistrat instructeur le soin d'estimer, pour reprendre le verbe employé, ce qu'il convient de faire.

L'observation des pratiques judiciaires montre cependant qu'il est fait une utilisation restreinte de ces dispositions. Cette réticence est essentiellement liée au souci des magistrats instructeurs de ne pas s'exposer à un risque d'annulation fondé sur le non-respect des dispositions de l'article 105 alinéa 1 du Code de procédure pénale ; réticence accrue depuis la loi du 24 août 1993 dans la mesure où il n'est plus nécessaire de rechercher si, en procédant à une mise en examen tardive, le juge d'instruction n'a pas eu le dessein de faire échec aux droits de la défense.

Le recours à cette institution apparaît cependant souhaitable, en particulier dans des affaires complexes tels des accidents susceptibles de mettre en cause une pluralité de personnes contre lesquelles il n'existe pas toujours, lors de l'ouverture de l'information, suffisamment d'indices ; le juge d'instruction doit alors pouvoir réunir suffisamment d'éléments pour ne mettre en examen qu'à bon escient. A fortiori, s'il lui est demandé, comme cela est très souhaitable, de développer la qualification des faits lors de la mise en examen (cf. infra).

Il a donc paru utile au groupe d'étude de le préciser et de rappeler que la Chambre criminelle ne fait montre d'aucun systématisme en la matière, admettant que, dans certaines circonstances de fait, une personne mise en examen ait pu être antérieurement entendue comme témoin sans que pour autant la procédure encourre la nullité.

Le groupe d'étude s'est interrogé sur le point de savoir si un recours accru à cette institution, qui pourrait résulter de l'adoption du projet de loi sus-évoqué, ne comportait pas un risque de dérive, l'opinion publique pouvant, à terme, en venir à considérer que le témoin assisté n'est autre qu'un quasi-mis en examen, mais a estimé qu'il serait vain de tenter d'y parer par un changement terminologique.

3. Exiger une réelle motivation des mises en examen.

Rappel des textes :

 

Article 80-1 du Code de procédure pénale :

 

1er alinéa : Le juge d'instruction a le pouvoir de mettre en examen toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice, aux faits dont il est saisi (...).

3ème alinéa : Le juge d'instruction peut également procéder à la mise en examen d'une personne par l'envoi d'une lettre recommandée. Cette lettre donne connaissance à la personne des faits pour lesquels elle est mise en examen et de la qualification juridique de ces faits (...).

 

Article 116, alinéa 1, du Code de procédure pénale :

Lors de la première comparution, le juge d'instruction constate l'identité de la personne et lui fait connaître expressément chacun des faits dont il est saisi et pour lesquels elle est mise en examen ainsi que la qualification juridique de ces faits. Mention de ces faits et de leur qualification juridique est portée au procès-verbal.

En l'état actuel des textes, la mise en examen est un acte d'instruction et ne constitue pas un acte juridictionnel susceptible de recours ; cette absence de nature juridictionnelle (question qui a été débattue lors de la préparation de la loi du 4 janvier 1993) permet de ne pas l'assimiler à ce qui pourrait être considéré comme un préjugement de culpabilité. Il n'en demeure pas moins que la lettre de l'article 116 rappelé ci-dessus commande qu'il soit donné expressément connaissance à la personne convoquée pour être mise en examen des faits dont le juge d'instruction est saisi et pour lesquels elle est mise en examen.

Certaines des personnes entendues par le groupe d'étude, étayant leurs propos par la production de copies de procès-verbaux de première comparution à tout le moins elliptiques quant aux faits reprochés, ont exprimé leur souhait de voir précisément figurer dans cet acte les faits pour lesquels les décideurs sont mis en examen, que la mise en examen résulte de l'interrogatoire de première comparution (modalité prévue à l'article 80-1 alinéa 2 du Code de procédure pénale) ou de l'envoi d'une lettre recommandée (modalité prévue, comme la notification par un officier de police judiciaire, par le troisième alinéa de cet article). Ils ont, notamment, fait observer que cela permettrait à la personne mise en examen de mieux assurer sa défense.

Le groupe d'étude a retenu cette proposition consistant à exiger du juge d'instruction que, par delà la qualification pénale, il explicite davantage, par écrit, les faits pour lesquels la personne est mise en examen, en les situant exactement dans l'espace et dans le temps, et en s'attachant à préciser les circonstances du délit. Il apparaît nécessaire, en effet, en particulier au regard des droits de la défense, que la personne visée sache de façon très précise les raisons de la décision du juge.

Cela lui est apparu d'autant plus opportun qu'en matière d'infractions involontaires, la loi pénale, depuis la réforme du Code pénal, s'oriente vers une approche circonstanciée de la culpabilité, et d'autant plus légitime que la mise en examen par correspondance prive son destinataire des explications orales que la personne convoquée par le magistrat instructeur peut recueillir de ce dernier.

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Le groupe d'étude s'est interrogé sur la question de savoir s'il fallait aller au delà de cette demande de développement de la qualification et s'il ne serait pas souhaitable d'introduire, au stade de la mise en examen, une obligation de motivation.

Les conséquences juridiques qu'une telle obligation pourrait avoir sur l'acte lui-même et sur le système de l'instruction dans son entier l'ont conduit à considérer que la proposition n'était pas à rejeter mais qu'elle requérait, préalablement, une réflexion d'ensemble approfondie sur cette question précise. Il a estimé qu'une telle étude excédait les limites, notamment temporelles, de sa mission.

 

4. Rappeler la possibilité de délocalisation de certaines affaires.

Parmi les différentes solutions envisageables qui avaient été évoquées par un groupe de travail dit Delevoye sur la responsabilité pénale des élus locaux, réuni en 1995 dans le cadre de la commission des lois du Sénat, avait été évoqué (p. 52) un possible rétablissement de l'intervention préalable de la Cour de cassation, telle que prévue dans les articles 679 et suivants abrogés par la loi du 4 janvier 1993, permettant, afin de prévenir tout risque de partialité, un dépaysement des affaires concernant des agents publics d'autorité en les soumettant à des juridictions situées en dehors du territoire dans lequel ceux-ci exerçaient leurs fonctions.

Cette solution n'a pas été retenue et la direction des affaires criminelles et des grâces, interrogée par le présent groupe d'étude sur les suites qui avaient été données à ce rapport, a précisé qu'un retour à la procédure antérieure, vécue comme un privilège et source d'annulation de procédures et de délais accrus dans le traitement des dossiers, n'était pas opportun.

Elle n'a pas davantage été souhaitée par les personnes entendues par le groupe qui, très majoritairement, n'ont pas repris à leur compte les suggestions de filtre préalable présentées par voie d'amendements lors des débats du 17 juin 1999 (Journal officiel, p. 4082) portant sur le projet de loi relatif à la présomption d'innocence.

Le groupe d'étude tient cependant à rappeler qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 665 du Code de procédure pénale, qui figure au Livre IV de ce code intitulé de quelques procédures particulières dans un Titre VI relatif aux renvois d'un tribunal à un autre et qui est, par conséquent, de portée générale :le renvoi peut également être ordonné, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, par la chambre criminelle, soit sur requête du procureur général près la Cour de cassation, soit sur requête du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la juridiction saisie a son siège, agissant d'initiative ou sur demande des parties.

Constatant que le législateur n'a jusqu'ici pas entendu donner suite à la proposition formulée par la section du rapport et des études du Conseil d'Etat qui, en 1996, suggérait de donner compétence à la cour d'appel lorsque le désaisissement pouvait intervenir au profit d'une juridiction de son ressort (p. 106 de ce rapport), le groupe d'étude souhaite que les dispositions de l'article 665 précité puissent, chaque fois que les circonstances le justifient, produire leur plein effet.

 

5. Rendre les conditions de la garde à vue mieux adaptées à la dangerosité réelle des personnes.

Lorsqu'il a été décidé que pour les nécessités de l'enquête, il convenait de garder une personne à la disposition de l'officier de police judiciaire en charge de l'affaire, qu'il s'agisse d'une procédure de flagrant délit (article 63 du Code de procédure pénale), d'une enquête préliminaire (article 77 du même code) ou de l'exécution d'une commission rogatoire (article 154 du même code), la personne qui se voit privée de sa liberté d'aller et venir bénéficie de mesures protectrices prévues aux articles 63 à 65 du Code de procédure pénale destinées à parer aux abus les plus graves.

Sur le premier point, et étant rappelé le principe d'égalité des citoyens devant la loi pénale, il apparaît que la décision de placer en garde à vue repose sur des éléments factuels qu'il n'appartient pas au groupe d'étude d'apprécier. Il doit toutefois être rappelé que les articles 63 et 154 précités prévoient, à la charge de l'officier de police judiciaire, l'obligation d'informer dans les meilleurs délais selon le cas, le procureur de la République ou le juge d'instruction et qu'il appartient à ces magistrats de contrôler la garde à vue (articles 41- 3 et 154- 6 du Code de procédure pénale) et, le cas échéant, d'y mettre un terme.

En ce qui concerne le traitement proprement dit de la personne gardée à vue et le type de mesures qui peuvent être prises pendant son déroulement, le Code de procédure pénale ne comporte aucune précision, alors que des textes, tel le décret du 12 septembre 1972 régissant les conditions de la détention (pris pour l'application du Titre II du Livre V du Code de procédure pénale sur les procédures d'exécution) ou l'article 726 de ce code relatif aux moyens de coercition, ou encore l'article 803 du même code sur le port des menottes, invitent à prendre en considération la personnalité de la personne privée de liberté.

Il ressort de ces dispositions, ainsi que des articles D.172, D.174, D.220 et D.242 concernant le personnel pénitentiaire que les mesures de contrainte susceptibles d'être prises doivent respecter une règle de proportionnalité tenant compte de la personnalité de celui qui est privé de liberté. Le même principe de proportionnalité devrait donc s'appliquer en matière de garde à vue et bénéficier à ceux dont la personnalité ne révèle pas une dangerosité particulière ou ne nécessite pas des mesures de protection spécifiques.

La mise en oeuvre de cette proposition pourrait être réalisée dans le cadre de l'exercice des prérogatives que le procureur de la République ou le juge d'instruction, en cas d'exécution d'une commission rogatoire, tiennent, cela vient d'être rappelé, des articles 41 alinéa 3 et 154 alinéa 1 du Code de procédure pénale pour procéder au contrôle des gardes à vue.

Pourrait également être envisagée l'introduction d'un alinéa ou d'un article, l'un ou l'autre rattaché aux articles 63 et suivants du Code de procédure pénale, dont la formulation pourrait être : dès l'interpellation et pendant toute la durée de la garde à vue, l'officier de police judiciaire sera tenu de ne pas apporter plus de mesures de contrainte qu'il n'est nécessaire pour le maintien de la sécurité publique ou la protection de la personne gardée à vue.

En l'état actuel des textes, l'officier de police judiciaire serait passible de sanctions disciplinaires en cas de manquement à ce devoir.