Suite de la discussion générale
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes
chers collègues, il apparaît - peut-être est-ce notre tradition
constitutionnelle ! - que l'initiative parlementaire a bien du mal à faire son
chemin. Pourtant, madame le garde des sceaux, elle a parfois quelques mérites ;
nous le verrons, la semaine prochaine, s'agissant de la prestation compensatoire
en matière de divorce.
Il est un fait que, depuis longtemps, et peut-être à contre-courant de ce que
veulent bien dire certains médias, nous ne pouvons qu'être préoccupés par la
pénalisation de la société.
Nous avons sans doute une part de responsabilité dans ce phénomène, car, au
travers de modifications du code de procédure pénale, nous avons donné de
plus en plus souvent aux diverses associations ou groupements d'associations la
possibilité de se porter partie civile et, par là même, de faire engager
l'action publique. On voit le résultat !
C'est vrai, par rapport aux mises en examen, il y a peu de condamnations ; il y
en a même sans doute très peu d'injustes, car, quand la responsabilité est
engagée, c'est que des fautes ont été commises.
Lorsque nous avons légiféré sur la faute par imprudence ou négligence -
certains se souviennent de la discussion qui avait eu lieu, à l'époque - nous
ne nous sommes sans doute pas rendu compte des possibilités d'action
considérables que cela ouvrait.
Mais la pénalisation de la société vient sans doute aussi du fait que nous
sommes incapables, comme d'autres pays, de procéder à une indemnisation rapide
des victimes, notamment lorsqu'il s'agit de catastrophes ou de situations
complexes. Qu'il faille attendre, après moult expertises et contre-expertises,
plus de dix ans pour voir indemniser les victimes d'une catastrophe, qu'elle
soit ferroviaire, ou aérienne, prouve que notre système est loin d'être le
meilleur.
Une amélioration du droit de l'assurance et du concept de la responsabilité
civile aurait, à l'évidence, permis d'éviter que l'on utilise la voie pénale
pour poursuivre n'importe quel responsable parce que c'est la manière la plus
rapide d'obtenir une indemnisation.
Nous n'avons pas voulu que seuls les élus soient concernés par cette
modification de la législation.
Nous avions d'ailleurs déjà fait une tentative, je le rappelle, puisque le
texte sur l'imprudence et la négligence a déjà été modifié une fois, à la
suite d'un rapport d'un haut fonctionnaire - c'est le Gouvernement qui l'avait
demandé - qui avait conclu qu'il fallait apporter des modifications parce que
le système, en l'état, permettait d'engager des poursuites simplement parce
que l'on constatait qu'il y avait un dommage et donc qu'il y avait faute - c'est
à peu près ce à quoi on aboutissait . Donc, il y a eu une première
tentative.
Puis, constatant que cela n'avait pas changé grand-chose, que l'on continuait
à poursuivre les décideurs dans les mêmes conditions, le Sénat, sur
proposition de Pierre Fauchon, a voté des dispositions pour bien préciser en
quoi le lien de causalité entre la faute et le dommage devait être soit
direct, soit indirect, mais à condition qu'il y ait une faute caractérisée.
Je n'étais pas d'accord, bien entendu, avec certaines propositions, qui
tendaient à soumettre la justice pénale à une décision administrative,
fût-elle d'une juridiction administrative ! Car si le criminel tient le civil
en l'état, on n'a pas encore vu, dans notre droit, que l'administratif pourrait
tenir le pénal en l'état.
Il y a eu un sentiment d'exaspération chez nombre de responsables publics ; ils
en ont eu assez d'être mis en permanence en examen, d'être attaqués, dans les
médias, d'être poursuivis, condamnés, voire, à tout le moins, condamnés
moralement, comme s'ils avaient vraiment commis des fautes, alors que, souvent,
ils n'en pouvaient mais.
On a cité des exemples ; je pourrais en citer d'autres. Récemment, un maire a
été mis en examen parce que quelqu'un qui conduisait en état d'ébriété...
M. Michel Charasse. C'était un de ses amis !
M. Jean-Jacques Hyest. En plus ! ... parce que quelqu'un qui conduisait en état
d'ébriété, disais-je, a eu un accident et s'est blessé en passant sur un «
gendarme couché » qui n'était pas conforme à la réglementation.
La cause indirecte était évidente, bien sûr ! Dès lors, le maire devait
être poursuivi et - pourquoi pas ? - condamné !
Il y a eu une longue réflexion puisque le texte voté par le Sénat a, ensuite,
fait l'objet de très longs débats à l'Assemblée nationale.
Notre excellent rapporteur, M. Pierre Fauchon, vient de nous expliquer que des
invitations au dialogue avaient été faites à des associations qui les avaient
déclinées.
Tout à fait entre nous, je crois que certains responsables sont trop sensibles
aux articles signés par des personnalités reconnues, voire prestigieuses. Je
dis cela parce que à chacun son métier : quand on est professeur de médecine,
on n'est pas forcément professeur de droit.
Un éminent responsable de la sécurité routière - je devrais plutôt dire un
apôtre de la sécurité routière - a en effet rédigé un article parfaitement
injuste, manifestant surtout le fait qu'il n'avait pas lu le texte et qu'il
n'avait pas compris les préoccupations des assemblées.
M. Michel Charasse. C'est un statisticien, et rien d'autre !
M. Jean-Jacques Hyest. Oui, en plus !
Hélas ! c'est ainsi qu'aujourd'hui on fait la loi. On ne cherche pas à
approfondir, à expliquer ; on a peur, on ne va pas plus loin, parce qu'on a
l'impression que l'opinion publique va réagir, d'autant qu'en l'espèce il y a
une formule magique : on amnistierait les élus ! Quand on a dit cela, il n'y a
plus qu'à tirer l'échelle ! Nous ne pouvons plus rien faire.
A mon avis, c'est un tort : il faut expliquer.
D'autant que, madame le garde des sceaux, ni en ce qui concerne le droit du
travail, ni en ce qui concerne la sécurité routière, ni en ce qui concerne la
santé, le texte ne remet en cause les possibilités de condamnation quand il y
a effectivement faute.
M. Hubert Haenel. Bien sûr que non !
M. Jean-Jacques Hyest. Pour l'environnement, c'est un peu plus compliqué, je
dois le reconnaître. Mais encore faudrait-il qu'on simplifie les nombreuses
pénalisations qui existent en matière d'environnement, qu'on clarifie un peu
les choses.
On se rappelle ce maire de l'est de la France qui a été condamné parce qu'il
avait fait construire une digue et qui l'aurait été de la même manière s'il
ne l'avait pas fait.
M. Michel Charasse. Voilà !
M. Jean-Jacques Hyest. Qu'il y ait une telle contradiction pose inévitablement
problème. La multiplication des infractions pénales de tous ordres fait que
plus personne n'y comprend rien et que la responsabilité est mise en cause en
permanence.
Bien sûr, on peut toujours améliorer un texte. Rien n'interdit, d'ailleurs,
une fois qu'on aura expérimenté celui-ci, de l'améliorer encore : comme cela
fait déjà trois fois en dix ans que l'on modifie l'article sur l'imprudence et
la négligence, pourquoi pas ?
Les amendements du Gouvernement - c'est vrai au moins pour l'un d'entre eux -
n'apportent pas grand-chose. Ils contribuent plutôt à obscurcir encore un peu
plus un texte qui est déjà compliqué, si bien que les magistrats auraient
sans doute des difficultés à l'appliquer. Car on ne sait plus faire des textes
simples !
Voilà plus d'un an que le texte est en discussion. Il est attendu par les
décideurs locaux. Il a fait l'objet d'engagements de la part des plus hauts
responsables de l'Etat. La concertation a été menée jusqu'à son terme.
Si certains, qui ont pris le train en marche au dernier moment, veulent, en
fait, s'opposer au vote d'une loi qui est indispensable, c'est le devoir du
Sénat, à partir du moment où la procédure parlementaire est complète, de
voter ce texte qui fait l'objet d'un consensus au sein des deux assemblées. A
chacun, ensuite, de prendre ses responsabilités.
Il serait dommage qu'une fois de plus l'initiative parlementaire ne puisse pas
aboutir sous prétexte que quelques-uns hurlent très fort !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, nous voici arrivés à la phase ultime d'un travail commun - en tout
cas, commun, jusqu'ici, du Sénat, de l'Association des maires de France, de
l'Assemblée nationale et du Gouvernement - sur un sujet difficile, complexe et,
à bien des égards aussi, délicat.
Et tout à coup, on a l'impression que la question est de savoir qui va porter
le chapeau !
Le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale n'est plus, c'est vrai, tout
à fait celui que nous avions adopté sur proposition de notre éminent
collègue Pierre Fauchon. Celui-ci vient fort justement de rappeler quelle
était son intention initiale, puis son projet, quel était ensuite la
rédaction du Sénat en première lecture.
Le texte que nous allons adopter conforme, je l'espère, deviendra, dans
quelques jours, sauf saisine du Conseil constitutionnel, loi de la République.
Nous allons délibérer et adopter un texte qui a été amendé, amélioré et
voté par l'Assemblée nationale en plein accord - en tout cas, à cette
époque-là - avec le Gouvernement. Si un doute subsiste, eh bien ! le Premier
ministre, soixante sénateurs ou soixante députés n'ont qu'à saisir le
Conseil constitutionnel, et ce dernier dira si nous transgressons des principes
fondamentaux du droit.
M. Michel Charasse. Constitutionnel !
M. Hubert Haenel. Il aura fallu cinq ans pour, provisoirement, conclure :
1995-1996 ; loi du 13 mai 1996 modifiant l'article 121-3 du code pénal ; états
généraux des élus locaux ; assemblée générale des maires dans les
départements ; congrès des maires de novembre 1999 ; question orale avec
débat, sur mon initiative, le 28 avril 1999 ; hésitation, procès d'intention,
puis vint à point nommé la proposition de loi de notre collègue Pierre
Fauchon, orfèvre en la matière.
Sans revenir sur la démonstration de Pierre Fauchon ni sur vos explications,
madame la ministre, de quoi s'agissait-il et de quoi s'agit-il toujours ? Tout
simplement de trouver le moyen de mettre en fin à la confusion - tout le monde
est d'accord au moins là-dessus - abusive à bien des égards entre faute
civile et faute pénale, confusion aux lourdes conséquences dans le domaine de
la faute non intentionnelle, notamment, pour l'ensemble des décideurs publics -
et pas seulement les élus locaux - et pour toutes les personnes physiques. On
ne le dira jamais assez : ce n'est pas un texte fait pour les décideurs, qu'ils
soient publics ou privés, c'est un texte qui s'applique à toute personne
physique.
Si j'ai bien compris, madame la ministre, le texte du Sénat n'était pas très
bon ; de l'Assemblée nationale en est issu un bon. Mais l'Assemblée nationale
et le Gouvernement n'ont pas bien vu tous les problèmes, et on nous demande à
nous, Sénat, de corriger les erreurs et de combler les oublis de l'Assemblée
nationale et du Gouvernement, sous peine de craindre la vindicte des victimes.
En quelque sorte, nous porterions « le chapeau ». Je n'en dirai pas plus !
S'agissant d'un texte de bonne qualité, sur lequel la commission des lois du
Sénat et les uns et les autres travaillent depuis longtemps, je trouve quelque
peu abusif de nous opposer aujourd'hui que les associations de victimes
défendent des intérêts particulièrement légitimes.
Ne nous méprenons donc pas sur la portée des dispositions que nous allons
adopter. Evitons les procès d'intention. Je ne sais quelle amnistie cacherait
ce texte... M. Fauchon a bien recadré le sujet.
Chacun prend ses responsabilités : le Parlement, en l'occurrence le Sénat, le
Gouvernement, qui devra aussi suivre l'application de la loi, en tout cas l'Etat,
les magistrats du parquet et du siège qui, croyez-moi, seront vigilants et
rétifs - pour ceux du siège - s'ils estiment que, dans le texte, se sont
glissés quelques mots un peu abusifs.
Contrairement à ce qui a été dit et écrit ici et là de façon hâtive,
superficielle et parfois abusive, ce texte ne bouleverse pas le droit de la
responsabilité. Il est dommage que la Cour de cassation ait retardé de
quelques mois son assemblée plénière au cours de laquelle il était question
qu'elle reconsidère la distinction entre faute civile et faute pénale à
l'occasion d'un procès qui a défrayé la chronique fort justement, le procès
du Drac.
Non, le Sénat ne vole pas au secours des délits d'élus ! Non le Parlement ne
démolit pas tout pour quelques maires ! Aller jusqu'à soutenir que ce texte
serait une amnistie anticipée et pourrait même démolir notamment
l'instruction sur le sang contaminé est une appréciation hâtive, erronée et
irresponsable.
Le Parlement légifère, c'est son droit, son devoir et sa responsablité. Il ne
faut pas confondre les institutions ! Il y a le Gouvernement, le Parlement, et
puis les magistrats : chacun doit prendre ses responsabilités, ensuite, nous
verrons !
Je vous proposerai d'ailleurs un dispositif qui devrait mettre tout le monde
d'accord.
M. Michel Charasse. Ah !
M. Hubert Haenel. Le Gouvernement prend les moyens pour que la loi soit
appliquée dans les meilleures conditions possibles. Il devra y veiller, au
travers de ses procureurs, même si, madame la ministre, vous nous répétez
sans cesse que nous n'avez plus rien à leur dire. Mais vous pouvez leur
demander au moins des statistiques et de veiller à la bonne application de la
loi par une circulaire d'intérêt général, puisque vous vous reconnaissez le
droit de donner des indications d'ordre général.
Les juridictions appliqueront strictement la loi, chacun est dans son rôle
constitutionnel, chacun prend ses responsabilités sans ambiguïté et,
aujourd'hui, nous les prenons. Voilà de quoi il s'agit et il s'agit seulement
de cela !
M. Michel Charasse. Ce n'est pas moderne !
M. Hubert Haenel. Toute personne ayant commis une faute de laquelle il
résultera un dommage aura à répondre de cette faute et devra réparer les
conséquences de ce dommage. Le droit des victimes reste intact. Cette
responsabilité sera toujours de plusieurs ordres et niveaux, que je me permets
de rappeler : le niveau de la responsabilité politique, le niveau de la
responsabilité morale, le niveau de la responsabilité administrative, le
niveau de la responsabilité civile et, pour les cas les plus graves, le niveau
de la responsabilité pénale.
Comme vous l'avez dit, madame la ministre, devant l'Assemblée nationale, et
vous venez de le rappelez devant nous, une faute lourde, même non délibérée,
pourra être sanctionnée. Cela allait peut-être de soi, mais cela ira sans
doute mieux en le disant.
L'absence de faute pénale non intentionnelle ne peut faire obstacle à une
action devant le tribunal civil - il faut le dire car il faut que les victimes
et l'opinion publique le comprennent - pour que les victimes puissent obtenir
réparation. Cela mérite d'être dit, écrit et répété sans cesse. Donc, pas
de procès d'intention, pas de poujadisme juridique ou judiciaire !
M. André Maman. Très bien !
M. Hubert Haenel. Fort légitimement, les citoyens, d'une manière générale,
les victimes tout particulièrement, veulent - et ils ont ô combien raison -
des responsables, dans le fonctionnement de l'Etat et dans celui des
collectivités locales ; je l'ai suffisamment dit ici.
Je me souviens comment, voilà quelques années, on traitait les victimes. Je
citerai pour exemple la catastrophe ferroviaire du tunnel de Verzy. A l'époque,
la SNCF disait que tant qu'une juridiction n'aurait pas pris une décision
devenue définitive, elle ne donnerait pas un franc pour indemniser les victimes
de cette catastrophe. Aujourd'hui, les choses ont changé. Fort heureusement !
Madame la ministre, en vous écoutant tout à l'heure, m'est revenu en mémoire
ce que vous m'aviez répondu à propos de la catastrophe du tunnel du
Mont-Blanc. Vous demandant, fort légitimement, en qualité d'élu national,
pourquoi le juge d'instruction de Bonneville n'avait pas été déchargé
d'autres dossiers pour se consacrer à cette affaire, vous m'avez répondu que
je ne pouvais - moi, surtout moi ! - ignorer que vous ne pouviez plus intervenir
pour concentrer les moyens judiciaires sur ce dossier.
Je n'ai pas pu vous répondre à l'époque ni vous poser une autre question. Je
le fais aujourd'hui : à qui un élu national, sénateur ou député, peut-il
s'adresser lorsqu'il estime que le sort des victimes n'est pas suffisamment pris
en compte par une juridiction, notamment en ce qui concerne les concentrations
de moyens ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A un avocat !
M. Hubert Haenel. Sur terre, il n'y a pas que les avocats, heureusement ! (Sourires.)
Les victimes veulent comprendre, tout comprendre, pour en finir avec leur deuil.
Cela est très important.
Il y aurait aussi une autre réforme, madame la ministre, mes chers collègues,
celle de la procédure, si on veut véritablement aller vers les victimes.
Celles-ci privilégient le procès pénal parce qu'elles y trouvent de la
pédagogie, des confrontations, des explications, une certaine catharsis, en un
mot de l'humain. Ce qui fait cruellement défaut au procès civil, d'apparence
trop technique, pour ne pas dire technocratique, c'est le manque d'humain ! Ce
sont des avocats justement, entre eux, qui développent des arguments. On a
l'impression que les victimes sont très loin de tout cela et que les
préoccupations humaines leur sont parfois étrangères.
Il y aurait lieu, madame la ministre, de revoir la procédure civile pour
redonner vie et humanité au procès civil, au moins lorsqu'il s'agit de
catastrophes importantes.
Pour couper court à toutes ces interrogations formulées parfois de façon
irrationnelle ou sensationnelle, je vais proposer une solution - ainsi ne
pourra-t-on plus dire que nous ne prenons pas en compte le droit des victimes -
qui consiste à créer un groupe de suivi - nous l'appellerons comme nous
voudrons, de vigilance par exemple - dès que la loi sera votée.
Ce groupe de suivi serait composé de magistrats de l'ordre administratif et
judiciaire, d'avocats, de parlementaires, d'élus locaux et, bien entendu, de
représentants d'associations d'aide aux victimes et d'associations de victimes,
de sorte que si, dans l'application du texte, l'on se rendait compte rapidement
qu'il y a quelque chose qui « cloche », eh bien, tout de suite, une procédure
d'alerte puisse être déclenchée. Vous-même, madame la ministre, ou vos
successeurs, viendrez devant le Parlement pour nous demander de remédier
rapidement à tel dysfonctionnement. Un texte n'est jamais parfait, quel que
soit le nombre des navettes. Demain, on trouvera encore d'autres arguments. Il
faut donc en finir, aujourd'hui, au moins provisoirement, car rien n'est jamais
définitif.
Ce groupe de suivi pourrait être chargé, sous l'autorité d'une personnalité
ayant une compétence, une autorité et une indépendance unanimement reconnue -
je pense par exemple au président Badinter - de suivre l'application de ce
texte, tant devant les juridictions administratives, civiles que pénales. Mais
surtout, madame la ministre, n'imaginons pas de rapport du Gouvernement au
Parlement. Nous savons tous que c'est de pure forme, j'allais dire de la langue
de bois, pour ne pas dire « de la foutaise ».
Ainsi, les légitimes préoccupations des victimes - car ici, tout le monde est
d'accord sur ce point ; il n'y a pas l'ombre d'un doute sur nos intentions que
nous soyons de gauche, de droite, du centre, Républicains et Indépendants,
RPR, de l'Union centriste, du groupe communiste républicain et citoyen ou du
groupe socialiste - seraient prises en compte.
J'imagine aussi que - c'est pour cela qu'il ne faut pas jouer à se faire peur
et imaginer les pires turpitudes - au moindre « dérapage », à la moindre
hésitation, au plus petit soupçon, il se trouvera toujours un procureur de la
République pour s'ériger en justicier, ou un avocat pour dénoncer une
application inique du texte. Voilà pour ce qui concerne les victimes.
J'en reviens aux responsables. Je crois qu'il y aura lieu, madame la ministre,
mes chers collègues, de faire beaucoup d'efforts en matière d'information et
de pédagogie, de rapprocher les points de vue, de prendre en considération les
analyses des uns et des autres pour cesser de nous regarder, comme nous le
faisons encore trop souvent, en « chiens de faïence... »
On pourrait, madame la ministre, vous pourriez peut-être - en tout cas au moins
vos services - recenser les expériences qui sont faites par les procureurs de
la République, par les procureurs généraux pour mieux régler les problèmes
rencontrés avec les victimes, pour mieux surmonter les difficultés auxquelles
se heurtent les décideurs de base.
Les décideurs, précisément, ont droit eux aussi à un accès au droit. On
parle beaucoup d'accès au droit ; ils y ont droit eux aussi. Il y a donc lieu
d'imaginer des solutions à leur profit.
L'Ecole nationale de la magistrature pourrait elle aussi assurer dans le cadre
de la formation continue des sessions sur ce sujet. Je me suis entretenu
récemment avec M. Hanoteaux, à qui je proposais d'organiser cette rencontre
dans une enceinte parlementaire mise à la disposition de l'Ecole. On y
discuterait sérieusement sur des dossiers pour essayer de mieux se connaître,
de mieux apprécier les contraintes et les responsabilités des uns et des
autres.
Voilà quelques pistes. Sans doute y en a-t-il d'autres.
Quoi qu'il en soit, gardons-nous, une fois ce texte adopté, de tourner la page
et d'attendre. Nous avons l'expérience du texte de 1996, cher collègue Pierre
Fauchon. Evitons un nouveau coup d'épée dans l'eau, et surtout, évitons, je
viens de le dire, beaucoup d'ambiguïtés et de malentendus.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au bénéfice
de ces observations, de celles que j'ai formulées dans ma question orale avec
débat le 28 avril 1999 et de celles encore que j'ai faites en première lecture
le 27 janvier 2000, le groupe du Rassemblement pour la République votera le
texte initié par le Sénat, amendé et voté par la majorité plurielle de
l'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement. (Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers
collègues, le problème posé est celui de la responsabilité pénale des
décideurs publics et pas seulement des élus, il faut le redire une fois
encore.
De même, il faut préciser de nouveau que le débat qui nous réunit écarte
l'imprudence caractérisée, par exemple le fait de ne pas réparer un
équipement public qui a causé un accident.
A fortiori il n'est évidemment pas question d'atténuer, encore moins
d'amnistier toute prise illégale d'intérêt, toute malhonnêteté, comme
parfois certains par leurs déclarations, leurs interprétations ou leurs
articles de presse essaient de le faire croire. C'est une offense inutile et
injustifiée qui est faite au Parlement.
M. Hubert Haenel. Tout à fait !
M. Gérard Delfau. Quand on a écarté ces cas de figure, il reste une foule de
situations où le décideur public, maire, chef d'établissement, mais aussi
chef d'entreprise, est, de par sa fonction, en position de causer un dommage,
voire d'être indirectement la cause d'une blessure grave ou d'une mort, sans le
vouloir ou même sans le savoir.
Les exemples existent ; ils sont même plus nombreux qu'on ne le dit. Ils sont
significatifs et ils ont un impact considérable, d'une part, sur les élus
locaux, qui sont responsables de la vie quotidienne de la République, d'autre
part, chez tous ces décideurs de la puissance publique qui assument
quotidiennement des risques, je pense tout particulièrement aux directeurs
d'école et aux chefs d'établissement.
La démarche législative qui a été anciennement engagée par le Sénat - par
nos collègues MM. Haenel et Fauchon - à la suite notamment des élections
municipales a montré qu'il fallait préciser le code pénal en raison du
désarroi d'un grand nombre d'élus locaux et du sentiment qui prévaut chez eux
qu'ils sont la cible d'une sorte de vindicte de la justice.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Gérard Delfau. Ce sentiment, on le retrouve, nous en avons la preuve tout
particulièremnt en cette fin d'année scolaire, chez les directeurs d'école et
chez les chefs d'établissement du second degré.
M. Adrien Gouteyron. C'est parfaitement exact !
M. Gérard Delfau. Je rappelle en effet que 10 000 postes de directeur d'école
ne sont pas pourvus aujourd'hui,...
M. Adrien Gouteyron. Tout à fait !
M. Gérard Delfau. ... exactement pour la même raison qui nous conduit à
légiférer ce soir, et que des centaines de postes de proviseur et de principal
de collège sont vacants.
Reste le cas des chefs d'entreprise, qui se sentent eux aussi cernés par la
mise en cause personnelle, alors même qu'ils ont fait preuve de diligence pour
écarter le risque.
Toutefois, après avoir accepté explicitement, pour des raisons que j'ai cru
légitimes, que nous légiférions pour l'ensemble des décideurs publics, je
ressens, à la réflexion, une certaine forme d'insatisfaction.
Qu'y a-t-il de commun entre un élu local qui assume une mission
particulièrement difficile et sans but lucratif - et qui est, au fond, l'un des
maillons de la République -, et un chef d'entreprise ?
M. Hubert Haenel. C'est vrai !
M. Gérard Delfau. Avec le recul, je vois des différences fondamentales, et si
nous avons des difficultés à conclure aujourd'hui, c'est sans doute pour
partie parce que, mus par de bonnes intentions, nous avons voulu légiférer
globalement.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Très juste !
M. Gérard Delfau. S'agissant des accidents du travail, quand j'ai approuvé le
texte de notre collègue Pierre Fauchon, je ne pensais pas, si peu que ce soit,
amnistier les auteurs de tel ou tel responsable d'accidents du travail, lesquels
me paraissent relever, je le redis, d'une autre procédure et d'une autre
appréciation.
M. Hubert Haenel. D'une autre nature !
M. Gérard Delfau. Le 27 janvier 2000, nous avons en tout cas délibéré, en
précisant, grâce à notre rapporteur, M. Pierre Fauchon, la notion de « faute
non intentionnelle », qui était déjà connue du code pénal depuis la loi du
13 mai 1996. Nous avons alors distingué la causalité directe de la causalité
indirecte, et nous avons prévu, quand le décideur a pris les mesures
générales nécessaires et qu'il n'y a pas de causalité directe avec le
dommage, qu'il ne saurait y avoir ni faute ni délit. Enfin, nous avons, bien
évidemment, fait la distinction avec la réparation financière - code civil,
d'une part, code pénal, d'autre part - qui n'est pas de même nature.
A l'Assemblée nationale, la proposition de loi a fait l'objet d'un débat
approfondi auquel le Gouvernement a pris part. Les députés de la majorité ont
repris à leur compte les grandes lignes de ce qui avait été voté au Sénat,
notamment la distinction entre causalité directe et causalité indirecte. Ils
ont par ailleurs précisé les manquements délibérés aux règles de la
prudence et rappelé les diligences nécessaires. Ils ont ajouté la notion de
faute d'une exceptionnelle gravité.
Bref, ils ont voté un texte qui prolonge, modifie et améliore celui qui était
issu des travaux du Sénat. C'est bien normal, selon nous. Le Sénat est en
effet particulièrement attaché à l'idée de navette et au travail de chacune
des deux assemblées.
Nos collègues de droite de l'Assemblée nationale ont cru bon de prendre une
position différente. C'était leur droit. Il n'empêche qu'ils sont très
largement responsables de la difficulté devant laquelle nous nous trouvons
aujourd'hui. Nombre de mes collègues sénateurs en ont conscience, même si
c'est plus facile à dire pour moi que pour d'autres...
Bref, le Parlement était arrivé à un certain accord. Puis, les associations
de victimes et les organisations syndicales ont soulevé de vives objections.
Les premières ont parfois usé, à l'égard du Parlement, d'un langage que, à
titre personnel, je ne puis accepter.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Gérard Delfau. Chacun doit tenir sa place. Que diraient ces associations si
le Parlement ne prenait pas ses responsabilités ?
On peut être en désaccord avec une décision parlementaire ; c'est le
fondement même de la démocratie. En revanche, on ne peut pas, on ne doit pas
suspecter, par principe, le Parlement d'obéir à des logiques qui ne sont pas
celles de l'intérêt commun.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Gérard Delfau. Il faut, au moment où nous sommes, que chacun prenne
conscience de la crise mondiale que traverse une majorité d'élus locaux qui
ont le sentiment, pour partie justifié, pour partie peut-être excessif, de
devenir les boucs émissaires de la société. Il faut aussi prévoir les
conséquences négatives de la fuite devant les postes de responsabilité d'un
nombre de plus en plus grand d'agents de la fonction publique.
Et pourtant, notre démarche, sur un sujet aussi délicat, doit rester prudente,
doit être expliquée à l'opinion publique. Pour être clair, mes chers
collègues, cette démarche doit être comprise. Si elle ne l'est pas, elle sera
sans doute mal appliquée, contestée et n'atteindra pas le résultat que -
très légitimement - tous ensemble, nous souhaitons.
Madame la garde des sceaux, vous nous demandez aujourd'hui de surseoir au vote
définitif et vous présentez trois amendements qui ont, selon vous, la vertu
d'apaiser les craintes et de créer le consensus autour d'une nouvelle
rédaction du code pénal. Vous nous incitez « solennellement » - vous avez
utilisé cet adverbe à deux reprises - à les approuver.
Je ne me prononcerai pas sur le contenu de ces amendements en cet instant. Ils
viendront en discussion ultérieurement. Mais je prends acte de cette position,
qui constitue un élément indiscutablement majeur dans le débat qui nous
occupe depuis maintenant un an.
A cela - et j'ai écouté avec attention nos collègues - la majorité du Sénat
et le rapporteur, M. Pierre Fauchon, rétorquent qu'il y a urgence à conclure.
Ils n'ont pas tort puisque, comme notre collègue M. Haenel l'a rappelé tout à
l'heure, nous avons entamé ce débat en 1995.
Nos collègues, en partie ou en majorité - nous le saurons lors de la
discussion des articles - veulent et peuvent passer en force. Dès lors,
évidemment, le Gouvernement se raidit.
Je veux dire à cet égard mon embarras et, d'une certaine façon, un peu ma
consternation. Pourquoi interrompre la navette ? ai-je envie de demander à mes
collègues de la majorité. Et je le leur demande !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Pourquoi la prolonger ?
M. Gérard Delfau. Pourquoi cette volte-face du Gouvernement ou ce qui peut
paraître tel, ai-je envie de demander à Mme la garde des sceaux.
Aux uns et aux autres, je veux dire : ne peut-on, ce soir, trouver un compromis
honorable qui lierait dans un accord indiscuté et le contenu, à partir des
trois amendements tels que la discussion les aura fait approuver, et le
calendrier, qui demande à être précisé, madame la garde des sceaux ?
La fin de l'année, c'est trop loin. En effet, nous savons ce qu'est la session
d'automne, nous savons combien elle est chargée et que la fin de l'année, cela
peut signifier, à vingt-quatre heures près, au-delà des élections
municipales. Or vous avez compris que nous voulions aboutir avant cette
échéance, et même suffisamment avant pour que les règles soient clairement
précisées.
Si nous arrivions à ce compromis, le bénéfice serait grand pour toutes les
parties en présence. Le Parlement montrerait qu'il n'obéit à aucune logique
partisane, ce qui est vrai, et qu'il cherche le point d'équilibre sur un sujet
délicat, ce qui est déjà moins évident. Le Gouvernement aurait la
satisfaction de voir prises en charge les préoccupations légitimes qu'il met
en avant.
Chacun a conscience qu'il y a urgence à dénouer l'affrontement des points de
vue. Mais le faire selon une procédure de vote conforme me paraît, en
l'occurrence, insuffisant pour permettre que la loi qui sera votée ait toute sa
force, sa plénitude et sa capacité d'application. C'est pourquoi, à tous et
à toutes, je lance un appel à la raison. (Applaudissements sur les travées
socialistes. - M. Haenel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, je suis très attachée, comme d'autres ici, à l'initiative
parlementaire, que je souhaiterais même plus grande. Mais j'avoue que le refus
de différer un tant soit peu le vote de cette proposition de loi par notre
rapporteur, suivi par la majorité sénatoriale, a de quoi surpendre.
L'intervention de M. Haenel me conforte dans ce sentiment, puisqu'il n'y a pas,
selon lui, et je suis d'accord, ceux qui se préoccupent des victimes et ceux
qui ne s'en préoccupent pas.
Nous avons tous pu prendre connaissance des inquiétudes exprimées sur les
conséquences de l'adoption de cette proposition de loi par les très nombreuses
associations de victimes - l'Association française des hémophiles,
l'Association française des transfusés, l'Association nationale de défense
des victimes de l'amiante, l'Association des victimes de l'hormone de
croissance, la Fédération nationale des accidentés du travail et des
handicapés, la Fédération nationale des victimes d'accidents collectifs -
rejointes, depuis hier, par la CGC, la CFDT et la CGT. Toutes sont unanimes pour
dénoncer les risques potentiels que pourrait générer ce texte.
Les sénateurs de mon groupe avaient, pour leur part, dès la première lecture
du texte, le 27 janvier 2000, attiré l'attention sur les « répercussions que
les dispositions, si elles étaient adoptées, pourraient entraîner sur les
droits des victimes, en particulier concernant les maladies professionnelles ».
Ils avaient notamment insisté sur le fait que « l'aggravation des conditions
de mise en cause en cas de faute indirecte, avec la nécessité d'apporter la
preuve qu'il y a eu "violation manifestement délibérée d'une obligation
particulière de sécurité", peut altérer leurs droits ». Dénonçant
alors la méthode employée par la majorité sénatoriale, notre groupe avait
choisi de s'abstenir.
Dans le même sens, le 5 avril dernier, à l'occasion du vote en deuxième
lecture du projet de loi relatif à la présomption d'innocence, nous avions dit
combien il nous semblait paradoxal, d'un côté, d'afficher la volonté de mieux
prendre en compte les droits des victimes, notamment à travers la possibilité,
pour les associations de victimes d'accidents du travail et de maladies
professionnelles, de se constituer partie civile, et, de l'autre côté, de
restreindre potentiellement les cas dans lesquels elles pourraient faire usage
de cette faculté.
C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen avait été
particulièrement satisfait du retrait de l'ordre du jour, par le Gouvernement,
de la proposition de loi.
Nous vous savons gré, madame la garde des sceaux, d'avoir ainsi permis aux
associations d'exprimer leurs points de vue. A la lecture des amendements que
vous déposez aujourd'hui, on sait que cette concertation était nécessaire et
profitable. Preuve supplémentaire de l'intérêt de la démarche, quatre
grandes organisations syndicales demandent aujourd'hui à être associées au
processus.
En décidant la discussion immédiate de la proposition de loi et en
préconisant l'adoption pure et simple du texte de l'Assemblée nationale, sans
attendre les résultats de cette concertation, vous avez choisi, chers
collègues, de faire la sourde oreille aux critiques formulées à l'encontre du
texte. Or que veulent les associations ? Sont-elles opposées à toute
modification de la législation dans le domaine des délits non intentionnels ?
Contestent-elles que les dispositions actuelles génèrent des difficultés
réelles pour les décideurs publics ? Non ! Ce qu'elles demandent, c'est qu'une
véritable réflexion ait lieu, permettant d'évaluer les répercussions de la
nouvelle rédaction sur les accidents collectifs et les accidents du travail.
Elles ne réclament, en fin de compte, qu'un peu de temps pour vérifier que le
texte répond bien aux finalités voulues et ne comporte pas de risques induits.
Apparemment, c'est trop demander ! Ce passage en force, bien éloigné de la
légendaire sagesse du Sénat, est tout simplement incompréhensible.
De deux choses l'une : soit le texte ne comporte aucun des effets pervers
évoqués, et il convient de se donner le temps d'en faire la démonstration, ne
serait-ce que dans un effort de pédagogie ; nulle part, en tout cas, dans le
rapport de la commission des lois, je ne vois de réponse à ces inquiétudes
exprimées par les victimes. On n'y trouve d'ailleurs qu'une seule fois le terme
de « victimes » !
Soit le texte change effectivement les données, et il convient alors de les
évaluer, à moins que ce ne soit justement cette éventualité qui pose
problème !
Je ne peux pas vous laisser, pour justifier une pseudo-urgence, vous retrancher
derrière le sondage de l'AMF, selon lequel 48 % des maires ne souhaitent pas se
représenter lors des prochaines élections municipales en 2001 !
M. Miche Charasse. C'était 40 % la dernière fois !
Mme Nicole Borvo. Nous sommes tous ici, je dis bien tous, préoccupés par les
difficultés que rencontrent les élus locaux dans l'exercice de leur mandat,
soit que nous les rencontrions personnellement, soit qu'elles nous conduisent à
nous interroger sur le fonctionnement de la démocratie locale.
On ne peut laisser croire - mais je reconnais volontiers que vous ne le faites
pas - que la proposition de loi relative aux délits non intentionnels est un
remède miracle au malaise des élus qui résoudra tous les problèmes et
ranimera les vocations. Mise en place d'une aide à la décision, formation des
élus, conseil de légalité plutôt que contrôle de légalité sont autant de
pistes qu'il faudrait approfondir pour améliorer la sécurité juridique.
De même, la question du statut de l'élu, on le sait, ne pourra éternellement
être mise en attente ; je n'y reviens pas, d'autres que moi ont su exprimer les
nécessités en ce domaine. J'ai en mémoire l'intervention de M. Pierre Mauroy
en première lecture ; les travaux de la commission qu'il anime s'annoncent
d'ores et déjà intéressants de ce point de vue.
Néanmoins, la mise en cause pénale d'élus locaux pour des faits involontaires
revêt une dimension emblématique, symptôme d'une dérive qui tend à faire
des maires les boucs émissaires d'une société qui fonctionne mal. C'est ce à
quoi s'attaque la proposition de loi.
Constitue-t-elle, cependant, une réponse adéquate ?
Tout d'abord, je serais plutôt encline à penser que ce sont les mises en
examen qui posent problème, plus que les condamnations elles-mêmes, lesquelles
restent résiduelles ; vous l'avez rappelé fort justement, madame la garde des
sceaux, en première lecture et aujourd'hui encore.
Sur ce point, le projet de loi relatif au renforcement de la présomption
d'innocence apporte des garanties supplémentaires ; je pense notamment au
statut du témoin assisté, mais aussi aux procédures de mise en examen.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont sensibles à
toute initiative tendant à réagir à une pénalisation à outrance de la
société française, aux dérives « à l'américaine ». Néanmoins, il existe
deux façons de procéder.
La première, que je qualifierai de « positive », consiste à proposer des
alternatives crédibles au pénal, en réhabilitant les voies civile et
administrative.
La seconde consiste à restreindre le champ d'application du juge pénal ; c'est
l'option retenue avec cette proposition de loi.
Pour notre part, nous sommes plus enclins à soutenir la première démarche,
qui prend mieux en compte la réalité du problème. Car n'oublions pas que «
l'attirance » du pénal résulte avant tout, cela a été dit, de
considérations pratiques. Gratuité, rapidité, accès aux éléments de preuve
sont autant de points décisifs, caractéristiques de la voie pénale, qu'il
conviendrait de contrebalancer par une réforme de la procédure civile avant de
penser en terme de « soustraction » au pénal.
La réforme du référé administratif, qui devrait être définitivement
adoptée avant la fin de la session, va dans le bon sens, car elle permettra
d'améliorer considérablement le fonctionnement de la juridiction
administrative, notamment en termes de temps.
Enfin, nous avions souhaité mettre en garde contre la tentation de créer un
régime d'exception pour les élus, ce qui serait contraire au principe
d'égalité devant la loi. Or le problème de la proposition de loi est d'avoir,
certes, élaboré un texte de portée générale, mais en abordant le problème
essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, sous l'angle de décideurs
publics, particulièrement des élus.
Il aurait fallu, au contraire, tenter d'en évaluer les effets dans tous les
domaines. N'oublions pas que le maintien dans notre droit pénal du délit non
intentionnel est motivé par le souci de responsabilisation des acteurs et de
maintien d'une grande vigilance dans les domaines à risque. Je sais que
certains souhaiteraient ne conserver que les délits intentionnels, mais une
telle réforme ne peut se faire sans une réflexion d'ensemble sur les
procédures administratives et judiciaires.
D'autres que moi ont émis des réserves quant aux conséquences que pourrait
avoir l'adoption du texte. Je pense notamment à l'intervention en première
lecture de M. Jolibois, qui avait souhaité pointer le risque de « voir
diminuer l'effort de prudence dont on attendrait plutôt un renforcement dans
notre société ». La décision récente du tribunal administratif de Marseille
condamnant pour faute inexcusable l'Etat à réparer le préjudice d'une victime
de l'amiante confirme cette approche.
Dans le même sens, les organisations syndicales attirent notre attention sur
les efforts de prévention menés dans le domaine des risques professionnels et
pouvant être remis en cause si le texte était adopté en l'état.
C'est pourquoi il nous semble nécessaire que la réflexion se poursuive,
d'autant que la navette parlementaire a permis, nous n'hésitons pas à le dire,
une amélioration sensible du texte ; vous en convenez vous-même, vous qui avez
accepté les modifications proposées par l'Assemblée nationale, monsieur le
rapporteur.
Ainsi en est-il de l'abandon d'une extension de la responsabilité pénale des
personnes morales ; nous avions été plusieurs à émettre des réticences
quant aux risques d'un affaiblissement du sens de la responsabilité
personnelle.
Ainsi en est-il également de la référence à l'auteur indirect ou médiat,
avec la reprise, sur ce point, d'une définition donnée par le Conseil d'Etat
dans son rapport de 1995 sur la responsabilité pénale des agents publics,
plutôt qu'à la cause indirecte, qui paraissait malaisée à définir.
Enfin, l'ajout de la faute inexcusable - définie comme « faute d'une
exceptionnelle gravité exposant autrui à un danger que son auteur ne pouvait
ignorer » - en tant que cause de nature à engager la responsabilité pénale
des auteurs indirects d'un dommage, permet de sanctionner les inobservations aux
règles de sécurité et de prudence particulièrement graves, mais pas
forcément « délibérées ».
Nous regrettons néanmoins que l'Assemblée nationale ait souhaité rétablir la
référence à une obligation de sécurité prévue par « la loi ou le
règlement », qu'on peut juger par trop restrictive ; je pense, par exemple, à
certaines règles de sécurité contenues dans les contrats de travail.
Aujourd'hui, tels qu'ils ressortent des discussions avec les associations, les
amendements déposés par le Gouvernement constituent de réelles avancées
permettant notamment, grâce à la précision des termes, de désarmorcer
certains risques.
Je pense d'abord au remplacement par les termes de « situation qui a permis la
réalisation du dommage » des termes de « situation qui en est à l'origine
», qui permet d'englober la pluralité des causes, en particulier les cas des
personnes qui, sans être directement à l'origine du dommage, ont contribué à
le réaliser, en laissant par exemple perdurer une situation de risque.
La rédaction « positive » de l'article, avec la suppression de l'adverbe «
toutefois », affiche bien la volonté de ne pas amoindrir la répression des
personnes responsables en ne hiérarchisant pas les causes, qu'elles soient
directes ou indirectes.
L'amendement déposé à l'article 1er bis constitue un garde-fou
indispensable à l'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou de
maladies professionnelles en évitant que les termes utilisés en matière
pénale ne rejaillissent sur la terminologie civile. Il donne toute sa portée
à la volonté de mettre fin à l'identité des fautes civile et pénale.
Enfin, la nouvelle rédaction proposée par l'amendement n° 2 pour l'article
1er, qui met l'exigence d'une gravité particulière non plus sur la faute, mais
sur le risque, constitue une piste tout à fait intéressante dont il convient
de discuter et non de la rejeter purement et simplement, comme l'a fait la
commission des lois ce matin.
Tous ces amendements sont déterminants pour les droits des victimes et ne
dénaturent en rien l'objectif que nous avons avec la proposition de loi. Ils
permettront que la discussion se poursuive. Si vos arguments sont aussi
imparables que vous l'affirmez, vous aurez le temps de les développer et de
nous en convaincre.
En effet, à vouloir coûte que coûte faire adopter ce texte, vous risquez
d'obtenir l'effet inverse de celui qui est recherché, et donc d'exacerber les
tensions et, finalement, d'opposer durablement intérêts des élus et
intérêts des victimes. Ce serait un comble ! De là à reparler d'auto-amnistie...
Le pas a déjà été franchi, vous le savez, même si ce n'est pas nous qui le
disons.
Ainsi, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen vous demandent-ils solennellemnet de vous donner le temps de la
réflexion, d'autant que vous venez, madame la garde des sceaux, de prendre
l'engagement que le texte serait définitivement adopté avant la fin de
l'année si la navette parlementaire se poursuit. Nous avons, quant à nous,
déposé une motion de renvoi en commission en ce sens pour que la voix de la
raison prenne enfin le dessus et permette une discussion apaisée. (Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Mme Derycke
applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, contrairement à ce qui est souvent prétendu, les socialistes ne
sont pas contre le bicamérisme. (Exclamations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.) Ils trouvent anormaux les pouvoirs du
Sénat, la manière dont il est composé, le fait que l'alternance ne peut y
jouer. Mais, lorsque certains ont voulu supprimer le Sénat en tant que chambre
délibérante, les socialistes l'ont défendu,...
MM. Henri de Raincourt et Jean Delaneau. Nous aussi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... aux côtés de certains de ceux qui sont ici.
Nous sommes en effet convaincus, comme Clemenceau, que : « Le Sénat, c'est la
réflexion. » En vérité, la réflexion est le fait des deux assemblées.
M. Henri de Raincourt. Voilà !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La navette est là pour que les textes soient
améliorés au fur et à mesure de la discussion.
M. Hubert Haenel. Ce n'est pas toujours le cas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il nous arrive d'être unanimes - ce n'a pas toujours
été le cas, d'ailleurs - lorsque le Gouvernement, à court de temps, déclare
l'urgence sur un texte qu'il estime devoir être adopté, pour réclamer le
temps de la navette et de la réflexion.
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Chaque fois que le Sénat prend le parti - je devrais
dire le parti pris - de voter conforme un texte qui arrive de l'Assemblée
nationale sans faire ce qui est son métier, sans remplir ce qui est sa mission,
c'est-à-dire sans considérer s'il y a ou non des améliorations à apporter à
ce texte, chaque fois il a grandement tort et a ensuite à s'en repentir.
Je me souviens qu'en 1993 un accord était intervenu entre l'Assemblée
nationale et le Sénat, du moins entre les présidents des deux chambres, les
ministres - peut-être plus haut encore - et les présidents des commissions,
sur la Cour de justice de la République,...
M. Henri de Raincourt. Hou là là !
M. Hubert Haenel. Non : sur le Conseil supérieur de la magistrature !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je poursuis ma démonstration parce que je m'en
souviens très bien !
... ce qui fait que, lorsque nous avons présenté certains amendements -
lorsque nous avons demandé, par exemple, que les victimes puissent être partie
civile - amendements que beaucoup ici avaient bien voulu considérer comme
intéressants, conformément à l'accord passé, le Sénat a voté conforme !
Or, bien que personne ne prenne l'initiative de revenir sur cette loi, tout le
monde admet maintenant qu'elle a été faite trop vite et qu'elle a été mal
faite.
Aujourd'hui, nous devrions avoir un souci commun : celui d'éviter toute
injustice à la fois pour les auteurs de délits non intentionnels, quels qu'ils
soient et tous autant qu'ils sont, et pour les victimes ou ceux qui se
ressentent comme telles.
Or nous assistons aujourd'hui à une manoeuvre concertée. Nous avions pour
notre part, en première lecture, voté le texte dans la rédaction qui nous
était proposée par M. Fauchon - ce qui ne veut pas dire que celle-ci ne devait
pas et ne pouvait pas être améliorée - même si nous avions fait, pour
certains d'entre nous, de très nombreuses réserves sur tel ou tel aspect.
Puis ce texte est parti à l'Assemblée nationale, où la droite, pour l'appeler
par son nom,... (M. Henri de Raincourt s'esclaffe.) Eh oui, quand on
parle de majorité, on ne sait plus s'il s'agit de la majorité nationale ou de
la majorité sénatoriale. La droite donc, puisque c'est son nom, a expliqué,
tout au long du débat, qu'elle attendait de la navette une amélioration du
texte.
Permettez-moi de faire à l'appui de mon propos quelques très courtes
citations.
M. Gilbert Meyer, membre du RPR, me semble-t-il, a dit à Mme la ministre : «
Il serait opportun que vous rassuriez celles et ceux qui redoutent la portée
des dispositions de ce texte. Il faudra apporter des garanties à ceux qui ont
des craintes sur la portée de cette modification législative. »
M. Vila, au nom du parti communiste, qui avait eu le même souci, a conclu son
propos en disant : « Les députés communistes espèrent que la navette
parlementaire permettra d'améliorer ce texte. »
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il l'a voté !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il avait dit auparavant : « Nous considérons
simplement, et nous rejoignons là votre souci exprimé au Sénat, madame la
garde des sceaux, qu'il faut veiller à ne pas affaiblir l'efficacité de la loi
pénale dans des domaines aussi sensibles que le droit du travail, de la santé
publique, de l'environnement, de la sécurité routière ».
Mais j'en reviens à la droite.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Les communistes ont voté le texte !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui ! et nous aussi nous avons voté votre texte ;
vous de même, et vous vous apprêtez pourtant à en voter un autre. Donc, ce
n'est pas un argument !
Ce que je suis en train de démontrer, c'est que vos collègues de droite à
l'Assemblée nationale ont mis tous leurs espoirs dans la navette pour que vous
amélioriez le texte.
Mais je poursuis mes citations.
M. Jean-Antoine Léonetti, UDF, a déclaré : « Pour autant, ces dispositions
ne doivent pas remettre en cause la législation afférente au code de la route,
au code du travail, à la santé publique ou à l'environnement. Elles ne
doivent pas non plus aboutir peu ou prou à conférer l'impunité à tout
décideur et a fortiori aux élus, frustrant les victimes ou leurs ayants
droit de la recherche de la responsabilité et, par là même, de la vérité,
si complexe soit-elle. Le risque serait alors de remplacer le bouc émissaire
par le lampiste... » Et, le même M. Léonetti poursuivait : « Nous ne nous
opposerons pas à cette proposition de loi, mais nous espérons qu'elle
s'enrichisse au Sénat et en deuxième lecture à l'Assemblée nationale .»
Et M. Léonetti de conclure : « Il faudra encore travailler à ce texte afin
qu'il parvienne à un équilibre entre la culpabilité du lampiste et la
condamnation d'un bouc émissaire, gage d'une société de responsabilité à la
fois individuelle et collective. »
Nous avons déjà vu le RPR, puis l'UDF, voilà Démocratie libérale et
Indépendants, et c'est M. Houillon...
M. Hubert Haenel. Un avocat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, et après ? C'est son droit ! Ce n'est pas un
défaut !(Exclamations amusées sur les travées du Rassemblement pour la
République et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt. Ça, cela dépend des jours !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Houillon, donc, a déclaré : « Le souhait
exprimé dans cette proposition, comme cela avait déjà été le cas en 1996,
est celui de l'appréciation in concreto des fautes. Le texte
d'aujourd'hui encadre toutefois avec plus de précisions cette appréciation
dans les cas de responsabilité indirecte. Mais c'est peut-être à cet
encadrement-là, monsieur le rapporteur, qu'il faut réfléchir plus avant pour
ne pas aller au-delà de l'objectif souhaité ».
Je passe quelques phrases de M. Houillon, sur lesquelles je reviendrai et qui
sont particulièrement savoureuses aujourd'hui, car le Gouvernement s'en est
directement inspiré pour l'un de ses amendements ; nous le verrons tout à
l'heure.
M. Houillon conclut : « Notre abstention sera donc une abstention positive en
attendant de pouvoir voter le texte en seconde lecture. »
Enfin, j'en viens à M. Jean-Louis Debré, dont les propos ont un peu étonné
à l'époque. Après quoi, nous nous sommes dit : si l'on veut parvenir à un
consensus, sans doute faut-il tenir compte de ses observations.
Or qu'avait dit M. Debré ? Ecoutez bien, mes chers collègues : « En l'état
actuel de la procédure législative, nous sommes en première lecture et,
compte tenu des interrogations qui apparaissent sur les conséquences que
pourrait avoir cette loi, le groupe RPR a décidé de s'abstenir. » J'ajoute
qu'il sera, à la fin de son propos, applaudi sur les bancs du groupe du
Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie
française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.
M. Debré poursuivait : « Nous demandons au Gouvernement de bien vouloir
rassurer publiquement les représentants des associations et les victimes qui
ont fait part de leur inquiétude légitime à ce sujet, ainsi que de leurs
souffrances.
Vous comprendrez, tout le monde ici comprendra, que notre position répond à un
triple souci : un souci d'humanité, un souci de précaution et un souci de
clarté.
« Sur un sujet aussi difficile, aussi douloureux, aussi délicat pour un grand
nombre de nos concitoyens, nous ne pouvons légiférer que dans la sérénité
et le consensus ».
M. Michel Charasse. Et hors de toute pression !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas nous qui le disons, c'est M. Jean-Louis
Debré.
Je poursuis : « Au début de la procédure législative et pour les raisons que
je viens d'évoquer, le groupe RPR, en cette première lecture, s'abstiendra,
attendant que le Gouvernement rassure l'ensemble des personnes qui ont fait part
de leur inquiétude ». Et M. Jean-Louis Debré de conclure : « Mes collègues
ont expliqué en quoi les dispositions adoptées ne correspondaient pas tout à
fait à ce que nous souhaitions et ne répondaient pas à une angoisse exprimée
par certains.
« Nous avons le souci de parfaire la législation. Le constituant a admis
qu'une proposition ou qu'un projet de loi pouvait donner lieu à plusieurs
lectures afin d'être amélioré. Je sais - disait-il à tort, nous le voyons
aujourd'hui - que vous ne souhaitez pas que la procédure se déroule
normalement ». Je ne sais pas s'il s'adressait à Mme la ministre,...
M. Henri de Raincourt. Sans doute !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... au Gouvernement ou à la majorité à
l'Assemblée nationale, mais nous considérons, nous, que la procédure
législative doit se dérouler jusqu'au bout pour aboutir en deuxième lecture
à un texte plus satisfaisant.
Vous me pardonnerez, mes chers collègues, la longueur de ces lectures, ...
Mais elles étaient nécessaires pour vous démontrer que l'ensemble de vos amis
politique, à l'Assemblée nationale ont appelé de leurs voeux l'amélioration
de cette loi, en deuxième lecture ici et à l'Assemblée nationale.
Qu'a fait le Gouvernement ? Il a tenu compte de ces critiques. Il a recherché
le consensus. Il a organisé une concertation avec les uns et les autres, non
seulement avec les associations, mais aussi avec les syndicats, de manière à
aboutir à un bon texte et non à un texte comme celui de 1995, dont nous avions
eu l'occasion à l'époque de dire qu'il ne changerait rien, ce qui s'est
révélé exact.
Mais vous étiez bien pressés de le voter alors, n'est-il pas vrai ! En effet,
peu de jours après devait se tenir le congrès de l'Association des maires de
France. De même, aujourd'hui, vous êtes pressés de voter le nouveau texte
parce que, le 14 juillet prochain, le Sénat accueillera de nombreux maires de
France. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
En tout cas, c'est la pensée qui nous traverse l'esprit quand on voit qu'au
lieu d'accepter la proposition du Gouvernement...
M. Hubert Haenel. Vous n'avez pas le droit de dire des choses pareilles sur le
Sénat. Ce sont des arguments d'avocat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une hypothèse que je fais. Mais je n'en ai pas
terminé, vous en entendrez d'autres, vous allez le voir dans un instant !
En effet, une duplicité tout à fait extraordinaire se manifeste et tout se
passe comme si les députés de droite s'arrogeaient la défense des
associations de victimes et les sénateurs de droite, celle des décideurs
publics et plus particulièrement des élus.
M. Henri de Raincourt. Et alors ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est cela que j'appelle - excusez-moi - de la
duplicité ! Cela ne peut manquer de me rappeler, et cela doit être dénoncé
comme tel, l'attitude de la chauve-souris de La Fontaine face aux deux belettes
dont l'une n'aimait pas les souris et l'autre n'aimait pas les oiseaux. Vous
savez ce que lui faisait répondre La Fontaine en deux vers distants l'un de
l'autre :
« Je suis oiseau, voyez mes ailes,
« Je suis souris, vive les rats ! »
C'est très exactement l'image que l'ensemble de la droite parlementaire risque
de donner si vous n'acceptez pas les arguments péremptoires du Gouvernement.
Nous devons, et je réponds là à mon ami Michel Charasse,...
M. Michel Charasse. Je n'ai rien dit !
M. Jean Delaneau. Il en veut à tout le monde ce soir ! (Rires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si, Michel Charasse a dit : « Et sans tenir
compte des pressions ». Précisément, je le rassure en disant qu'au groupe
socialiste en tout cas, et il le sait bien, nous ne tenons pas compte des
pressions, d'où qu'elles viennent, ni des uns ni des autres. (Exclamations
et rires sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
MM. Jean Delaneau, Henri de Raincourt et Jacques Larché. Allons !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous considérons que, même si nous sommes des élus
d'élus, le Sénat est une assemblée parlementaire à part entière et que,
dès lors, nous nous devons de défendre l'intérêt général et de concilier,
quand c'est possible, des intérêts légitimes différents.
En ce qui me concerne, et je l'ai toujours dit lorsque cette question a surgi,
j'ai une répulsion devant la notion de délit non intentionnel.
J'ai bien conscience, en cela, d'être à contre-courant : on veut des
responsables lorsque des fautes sont commises, fussent-elles par imprudence,
surtout si ces fautes par imprudence sont graves et comportent la connaissance
d'un danger pour autrui.
Je sais aussi qu'un procès civil est malheureusement beaucoup plus long,
beaucoup plus coûteux, beaucoup plus aléatoire qu'un procès pénal. Pourquoi
? En particulier parce qu'il n'existe pas, hélas ! - il faudrait y songer,
madame la garde des sceaux, mais vous avez déjà tellement de choses à faire,
et qui coûtent tellement cher ! - un juge d'instruction civil, chargé de faire
au civil ce que fait le juge d'instruction au pénal, c'est-à-dire interroger
les témoins, rechercher les preuves. Cela explique que beaucoup de justiciables
choisissent la voie pénale.
Lorsque, en 1995, M. Fauchon a voulu proposer des dispositions qui ne visaient
que les élus, le Gouvernement a dit qu'il fallait viser aussi les
fonctionnaires et les militaires et j'ai dit, moi, qu'un tel texte devrait
concerner tout le monde.
M. Hubert Haenel. C'est le cas avec celui-ci !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est, nous dit-on, le cas aujourd'hui. Pourtant,
force est de constater que les fautes par imprudence dont il s'agit ne peuvent
guère être commises que par des décideurs. C'est d'ailleurs pourquoi chacun
ne parle plus de responsabilité des élus mais de responsabilité des
décideurs publics. En effet, les décisions que prend un particulier ne sont
pas de même nature que celles que des décideurs publics sont amenés à
prendre.
M. Michel Charasse. Mais si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Plusieurs des articles du texte concernent tout de
même le code général des collectivités territoriales ou la loi du 13 juillet
1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ou encore le statut
général des militaires ! Il n'est donc pas tout à fait faux de demander que
l'on tienne compte de doutes qui sont, paraît-il, malvenus, M. le rapporteur
nous a dit que les associations - il n'a pas parlé des syndicats - ont tort de
s'inquiéter. Toujours est-il qu'elles s'inquiètent. Si l'on peut les
tranquilliser, pourquoi ne pas le faire ?
Par son premier amendement, le Gouvernement propose de viser, outre ceux qui ont
créé la situation en cause, ceux qui ont contribué à la créer.
C'est exactement ce qu'a demandé, à l'Assemblée nationale, M. Houillon
lorsqu'il s'est exprimé en ces termes : « Par ailleurs, - et j'en avais fait
l'observation en commission - l'hypothèse du concours des causes du dommage
n'est pas envisagée dans l'amendement que vous proposez : "... les
personnes physiques qui n'ont pas causé elles-mêmes le dommage, mais qui ont
créé la situation qui en est à l'origine..." Cette rédaction laisse à
penser que, lorsqu'elles ont seulement concouru à créer la situation - ce que
j'appelle le concours des causes - il n'y aurait pas de responsabilité. En tout
cas, la question mérite d'être étudiée et précisée puisque, en l'état
actuel, le texte n'y répond pas tout à fait. »
Pour ma part, j'ai la conviction que, lorsqu'on parle de ceux qui ont créé la
situation, cela inclut ceux qui ont contribué à la créer...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'est sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... mais, puisque certains ont des doutes,
particulièrement parmi vos amis, pourquoi ne pas les rassurer en apportant
cette précision ?
L'amendement aurait d'ailleurs pu viser « ceux qui ont créé, contribué à
créer ou maintenu la situation... » puisque l'objet de l'amendement fait
également mention de ceux qui ont permis le maintien de la situation à risque.
Par le deuxième amendement il est proposé de viser une « faute caractérisée
en ce qu'elle exposait autrui à un risque d'une particulière gravité » que
l'auteur de l'imprudence ne pouvait ignorer, plutôt qu'une « faute d'une
exceptionnelle gravité exposant autrui à un danger » que ladite personne ne
pouvait ignorer.
Sans doute les deux formulations sont-elles très voisines mais il me semble que
la précision qu'il est proposé d'apporter rend le texte parfaitement clair.
Mes chers collègues, si vous n'avez pas d'arrière-pensées politiques, comme
celles que j'ai dénoncées tout à l'heure pour le cas où vous en auriez eues,
vous n'avez aucune raison de ne pas accepter cet amendement.
Enfin, le troisième amendement vise à préciser que, au civil, il doit être
possible de retenir non seulement la faute d'inattention au sens de l'article
1383 du code civil mais aussi la faute inexcusable au sens du droit du travail,
même en l'absence de poursuites pénales.
Cet ajout s'impose, vous le savez bien. Pourquoi, alors, direz-vous, n'y a-t-on
pas pensé plus tôt ? Mais la navette est faite pour cela, pour améliorer le
texte ! Or cet amendement l'améliore effectivement.
M. Haenel a dit tout à l'heure : « Après tout, on a déjà légiféré en
1994, en 1995, on a posé des questions orales avec débat ; on recommence
aujourd'hui ; on pourra recommencer après ! »
Non, le travail d'un parlement sérieux consiste à s'efforcer de faire une loi
aussi parfaite que possible, de prendre le temps qu'il faut pour cela et de
faire se poursuivre la navette tant qu'elle est nécessaire.
Nous sommes tous d'accord pour dire que ce serait tout de même bien que ce
texte soit voté avant les élections municipales... même si ce texte est fait,
bien sûr, pour tous !
Le Gouvernement prend l'engagement de le faire.
Nous savons aussi que, de même que M. le rapporteur a été associé à la
rédaction du texte qu'a finalement voté l'Assemblée nationale, le rapporteur
de l'Assemblée nationale est d'accord avec les amendements du Gouvernement,
lesquels au demeurant, je le répète, s'imposent.
Nul ici n'ignore qu'il peut m'arriver de m'opposer à des textes ou à des
amendements du Gouvernement. Lorsque je pense qu'ils sont mauvais, je le dis !
Mme Elizabeth Guigou, garde des sceaux. Ça oui ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il ne s'en prive pas ! (Nouveaux
sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie de me rendre justice sur cette
indépendance d'esprit dont, à tort, bien sûr, j'aurais tendance à ne pas
avoir honte.
Mais ici, mes chers collègues, je vous dis, parce que je le pense, que ces
amendements sont bons, que vous n'avez aucune raison de ne pas les voter et que
vous ne pouvez pas laisser penser que les députés s'occupent des victimes et
que les sénateurs s'occupent des élus. Or c'est très exactement ce que vous
donneriez à penser si vous deviez voter le texte sans avoir voté les
amendements. Bien entendu, si cela devait advenir, nous aurions des conclusions
à tirer et, en particulier, à dénoncer votre attitude devant le pays. (Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. Henri de Raincourt. Des menaces ?
M. Patrice Gélard. Comme toujours !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je ferai quelques brèves remarques à la suite des
interventions que nous venons d'entrendre.
Monsieur le rapporteur, les amendements du Gouvernement ont été déposés dans
un délai permettant leur examen, étant entendu que la brièveté de ce délai
a été imposée par la hâte du Sénat à voir ce texte adopté.
Je le répète, une question aussi importante ne justifie aucunement la
précipitation. Elle justifie, au contraire, que nous y consacrions encore un
peu de temps.
Monsieur Hyest le Gouvernement ne cherche nullement à brider l'initiative
parlementaire. Il s'est, à l'inverse, engagé, notamment par la voix du Premier
ministre, à faire en sorte que ce texte soit voté avant les élections
municipales. J'y reviendrai lorsque je répondrai à M. Delfau, qui m'a demandé
des précisions sur le calendrier.
Il reste donc encore du temps : cette session n'est pas finie et il y a encore
le début de la prochaine session. Par conséquent, nous pouvons poursuivre la
concertation qui a été engagée et qui porte ses fruits. Je pense que ce sera
utile.
Monsieur Haenel, le consensus dont vous avez fait état a été rompu par
l'opposition parlementaire à l'Assemblée nationale, en particulier par le
groupe du RPR, c'est-à-dire l'homologue de celui auquel vous appartenez ici. La
position prise par le groupe du RPR à l'Assemblée nationale le 5 avril dernier
consistait à dire qu'il n'était pas possible d'adopter le texte en l'état.
M. Dreyfus-Schmidt vient de citer les propos d'un certain nombre de députés de
l'opposition qui, eux aussi, m'ont alertée, comme l'ont fait les associations
ou des professeurs de droit - car il s'agit d'une matière complexe - sur la
nécessité d'améliorer encore ce texte, même si la première lecture à
l'Assemblée nationale a déjà apporté une amélioration importante.
En ce qui concerne les procureurs, vous ne pouvez pas affirmer que je n'ai rien
à leur dire. Je passe mon temps à leur parler ! Seulement, je ne leur parle
plus des dossiers individuels : je leur parle des directives de politique
pénale. Je leur adresse aussi des circulaires : sur la délinquance
financière, les sectes, la sécurité routière, l'aide aux victimes, etc.
Je ne crois pas que la justice y ait perdu en autorité ou en efficacité, bien
au contraire.
Mais, avant les politiques pénales, il y a la loi.
Bien sûr, vous avez tout à fait raison de vous préoccuper de l'application de
la loi. Je souscris tout à fait à cette préoccupation. Je viens d'ailleurs de
créer un groupe de travail sur le suivi de la loi relative à la présomption
d'innocence et aux droits des victimes. J'attache donc une extrême importance
à vos travaux et au suivi des textes que vous votez.
Cependant, avant de suivre l'application d'une loi, il faut d'abord la
concevoir, trouver les bons équilibres.
Je tiens également à rappeler que j'ai toujours pris mes responsabilités.
Je l'ai fait, notamment, il y a un an, lorsque j'ai répondu à la question
orale avec débat que vous aviez posée, monsieur Haenel.
M. Hubert Haenel. C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ai par ailleurs indiqué que la
proposition de loi de M. Fauchon constituait un progrès par rapport à
certaines propositions précédentes du Sénat, mais qu'il fallait néanmoins
l'améliorer. Ce travail d'amélioration a été entamé, tant ici qu'à
l'Assemblée nationale.
Dans toutes les concertations que j'ai menées, avec tous les interlocuteurs que
j'ai reçus à la Chancellerie, qu'il s'agisse des élus, des délégués des
groupes parlementaires, des représentants des associations et des syndicats,
j'ai tenu le même langage.
Je leur ai dit, premièrement, qu'il fallait améliorer la loi pour éviter les
mises en jeu inéquitables de la responsabilité pénale qui ont lieu
aujourd'hui.
Je leur ai dit, deuxièmement, qu'il fallait trouver le bon équilibre, car des
dispositions législatives ont toujours, inévitablement, une portée générale
alors qu'elles recouvrent des réalités infiniment diverses.
J'ai même prévenu les associations que l'équilibre que nous trouverions
résulterait nécessairement d'un compromis, et leur réaction ne m'est pas du
tout apparue comme fermée.
J'ai donc pris mes responsabilités, et je continue à les prendre.
Je demande instamment à la majorité sénatoriale de ne pas camper aujourd'hui
sur des certitudes. Tout ce que nous devons faire, c'est essayer d'élaborer le
meilleur texte possible.
S'agissant du drame du tunnel du Mont-Blanc, monsieur Haenel, vous m'avez dit
que vous vous adressiez à moi parce que vous ne pouviez pas, vous, élu de la
nation, vous adresser au juge d'instruction. J'ai fait, là aussi ce qui
relevait encore de ma responsabilité. Car on imagine, face à une pareille
catastrophe, ce que peuvent être la douleur et les sentiments des victimes ou
de leurs proches. Vous m'avez demandé comment un juge d'instruction, qui est un
juge du siège, qui a donc toujours été indépendant...
M. Michel Charasse. Ah bon ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Oui, tout à fait !
Ce qui est nouveau, c'est le fait de ne plus donner d'instructions aux
procureurs !
Un juge d'instruction, juge du siège, donc, est saisi de cette affaire, en
vertu des dispositions du code de procédure pénale. Lui seul peut demander
qu'un autre juge soit associé à l'instruction du dossier. C'est cela, la loi
de la République !
En revanche, les décisions qui relevaient de ma responsabilité ont été
prises.
D'abord, j'ai attribué des moyens en personnels par la nomination d'un
substitut général à la cour d'appel de Chambéry, qui a été affecté à
l'étude de ce dossier, et par l'envoi d'un juge qui a également été affecté
en renfort à la cour d'appel de Chambéry en raison de cette affaire.
Ensuite, à la demande des avocats, j'ai donné des moyens matériels
supplémentaires avec un CD-ROM pour reproduire le dossier et les moyens
techniques pour pouvoir imprimer le CD-ROM. En même temps, un vacataire a été
spécialement affecté à cette tâche. Enfin, la Chancellerie a constamment
apporté son soutien au travers d'un groupe de travail associant les victimes,
les représentants des victimes, les avocats et les magistrats, pour que
l'élucidation de cette très douloureuse affaire puisse se faire dans les
meilleures conditions possibles.
Je tiens maintenant à remercier tout particulièrement Mme Borvo du soutien
qu'elle a apporté à la démarche du Gouvernement, je dirai dans un instant,
après qu'elle aura été défendue, ce que je pense de la motion tendant à un
renvoi du texte en commission déposée par le groupe communiste républicain et
citoyen.
Madame Borvo, vous vous êtes exprimée dans des termes simples, sans équivoque
et compréhensibles par tous. Vous avez dit, de la façon la plus claire
possible, me semble-t-il, qu'il n'y avait aucune justification à ne pas se
donner un délai supplémentaire pour avoir la certitude de voter le meilleur
texte possible.
Quant à M. Dreyfus-Schmidt, avec lequel il m'est souvent arrivé de «
ferrailler » dans cet hémicycle, parce qu'il a ses convictions et qu'il n'est
pas facile de lui en faire changer,... (Sourires.)
M. François Trucy. C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... il s'est livré à une
défense et à une illustration des amendements que je vous présenterai tout à
l'heure avec un talent que chacun ici, sur toutes ces travées, aura apprécié.
M. Adrien Gouteyron. C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je le remercie de ce soutien
éloquent.
Pour terminer, je dirai à M. Delfau que si le Sénat acceptait, comme je le
souhaite, les amendements du Gouvernement, l'Assemblée nationale pourrait être
de nouveau saisie de ce texte très rapidement - avant l'été - et la
discussion pourrait avoir lieu soit avant la fin de cette session - nous ne
l'excluons pas - soit, au plus tard, dès la reprise de la prochaine session,
c'est-à-dire en octobre. Nous aurions ainsi l'assurance que ce texte serait
définitivement adopté avant Noël.
Mesdames, messieurs les sénateurs, maintenant, la décision vous appartient. Il
revient en effet à chacun de prendre ses responsabilités (Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion
générale !...
La discussion générale est close.
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