livre blanc de l'industrie de l'amiante

Note : ce document comporte des retranscriptions de dépêches d'agences et d'émissions de télévision produites après la réunion du CIRC, puis des commentaires des organismes représentant les professionnels de l'amiante. Il est extrait d'un livre blanc publié en 1977 par les syndicats de l'amiante intitulé : l'amiante - la vérité.

Chambre Syndicale de l'Amiante

Syndicat de l'Amiante-Ciment

RIGUEUR SCIENTIFIQUE ... OU MANIPULATION DES CHIFFRES ?

Du 13 au 17 Décembre 1976, un Groupe de Travail sur l'évaluation du risque cancérogène lié à l'amiante s'est réuni à Lyon, au Centre International de Recherche sur le Cancer auquel il a remis un rapport.

Le 17 Décembre, certains membres de ce Groupe de Travail ont tenu une conférence de presse pour les journalistes du Club de la Presse de Lyon.

Il n'a pas été remis de traces écrites des propos et commentaires émis au cours de cette réunion. Force est donc de s'en rapporter aux comptes rendus que les journalistes en ont donnés, mais dont on ne peut suspecter la fidélité, dans la mesure où les auteurs mêmes de la conférence de presse ont eu l'occasion de s'exprimer à la radio et à la télévision.

Voici les dépêches que l'Agence France Presse a diffusées à ce sujet.

AFP - 256 - VINGT SAVANTS DENONCENT LES DANGERS DE L'AMIANTE

Lyon, 17 Décembre (AFP)

Une vingtaine de savants et de chercheurs du monde entier ont lancé un cri d'alarme sur les dangers de l'utilisation de l'amiante.

Au cours d'une conférence de presse tenue Vendredi à Lyon, au Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), les chercheurs, parmi lesquels figure une majorité de cancérologues, ont affirmé que le risque cancérigène de l'amiante était maintenant prouvé avec certitude.

C'est ainsi que le groupe de travail créé il y a plusieurs années à l'initiative du "CIRC" pour étudier cette question, a prouvé que 40 % de ceux qui travaillaient directement ou indirectement l'amiante seraient frappés d'un cancer de la plèvre, le mésotélium. "Aux Etats-Unis, un million de personnes travaillent dans l'amiante, a affirmé le Pr J. Bignon pneumologue de la Faculté de Créteil, et 260.000 vont mourir d'un cancer qui évolue en vingt ou trente ans. En France, bien qu'aucun chiffre concernant les travailleurs de l'amiante ne soit publié, les chercheurs estiment que 250 000 personnes sont concernées.

A suivre... /AFP - PO 21.33

AFP - 257

Lyon - Vingt savants ... (deux)

Les cancérologues ont également confirmé la présence de l'amiante dans le vin et dans la bière (cent millions de fibres d'amiante dans un litre de vin) en raison de l'utilisation de filtres en amiante, et expose les dangers du "Flocage" (Projection d'amiante sur les murs pour ignifugation) interdit aux USA depuis 1972 et sans doute en 1977 en France.

En conclusion, les chercheurs demandent l'établissement d'un contrôle très strict de l'utilisation de l'amiante, et l'interdiction de toute "utilisation abusive ".

AFP - PO 21-36

AFP 050

L'amiante en accusation, consommation décuplée depuis 1930.

Lyon 19 Décembre (AFP) par Yves Leers

Les chercheurs qui ont lancé Vendredi à Lyon un nouveau cri d'alarme sur les dangers de l'amiante ont peut-être mis fin à une polémique qui dure depuis plusieurs mois en France et qui a motivé une coûteuse campagne publicitaire des industriels de l'amiante, évaluée à un miIlion de Francs.

Ces savants du monde entier, réunis dans un groupe de travail depuis plusieurs années à l'initiative du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC ) à Lyon, sont maintenant formels. L'amiante est cancérigène et son usage est d'autant plus dangereux. La consommation mondiale est passée de 500 000 tonnes en 1930 à 5 millions de tonnes en 1975.

Mais, s'il est certain que le danger le plus évident concerne les travailleurs au contact de l'amiante, la généralisation de l'usage de cette roche ne permet pas encore aux spécialistes de dire si l'ensemble de la population est menacée. Le bâtiment, les chantiers navals et l'industrie alimentaire figurent parmi les utilisateurs de l'amiante.

A suivre ... AFP JC 11 h 56

AFP 051

Lyon - L'amiante en accusation ... deux

Dans le bâtiment, le "flocage" des parois (projections d'amiante pour ignifugation) comporte des risques sérieux pour les ouvriers lors de la construction, mais aussi pour l'environnement immédiat lors de la destruction d'immeubles. Or, ce procédé, interdit aux Etats-Unis depuis 1972, est toujours autorisé en France. Dans les chantiers navals, le mélange amiante-ciment représente également un danger pour les utilisateurs.

L'amiante entrant dans la composition des freins, même les "péagistes" des autoroutes sont menacés à la suite des freinages successifs des véhicules s'arrêtant devant leur cabine. Cette constatation, faite aux Etats-Unis, a été révélée par le Pr Selikoff.

En ce qui concerne le vin et la bière, pour lesquels des filtres en amiante sont utilisés, les chercheurs ne peuvent dire quelles seront les conséquences, mais ils recommandent l'abandon de tels filtres. En effet, sur 16 échantillons de vins examinés par les spécialistes du Centre International de Recherche sur le Cancer, 8 étaient contaminés par l'amiante et on a trouvé jusqu'à 100 millions de fibres par litre de vin.

Suivra ... AFP JC 11 h 59

AFP 052

Lyon - L'amiante en accusation ... trois

Entouré du Pr. Erwin Selikoff, Directeur de la Santé et de l'Environnement à New York, du Dr. David Rail (Etats-Unis), du Dr. Wagner (Cardiff) et de spécialistes d'autres pays, le Dr. Jean Bignon, Pneumologue (Faculté Créteil) a qualifié de "scandaleuse", la situation existant en France en raison des retards apportés à la réglementation des utilisations industrielles de l'amiante. Le Dr. Bignon s 'est aussi étonné que les chiffres de travailleurs de l'amiante ne soient pas publics en France - Ils sont environ 250 000 - alors que les risques de mourir d'un cancer est de 40 % , pour les personnes qui manipulent ce matériau, que ce soit pour la fabrication de freins, le bâtiment ou la construction de navires. Ce risque de 40% représente le double du risque général. 15 à 20% des décès étant actuellement provoqués par le cancer.

AFP JC 12 h 01

Voici la transcription des émissions télévisées et radiophoniques à ce sujet (Source SECODIP) .

TF 1 - Le 18 Décembre 1976 - 23 H

Le doute n'est plus permis. Les savants réunis au Centre International de Recherche sur le Cancer de Lyon durant ce week-end, ces savants sont unanimes : l'amiante est bel et bien cancérigène. L'amiante est un produit utilisé comme matériau isolant pour protéger notamment des locaux contre le feu. On s'en sert aussi pour filtrer le vin et la bière. Aussi la communication du Professeur Bignon a-t-elle fait sensation.

Prof. Bignon

Tous les cancers, notamment respiratoires, qui sont les plus fréquents : cancer du poumon, cancer de la plèvre, le risque est environ chez les travailleurs exposés directement à l'amiante est d'environ 40 %, ce qui représente un risque énorme comparé à la fréquence du cancer dans la population générale.

Speaker

Vous êtes également inquiet au niveau des industries alimentaires en particulier les boissons ?

Prof. Bignon

Oui, il a été constaté, dans plusieurs études, dont une qui a été réalisée en France, qu'il y avait une contamination des boissons par l'amiante, la bière, le vin, les apéritifs, cette contamination est liée à un procédé de filtration à travers des filtres d'amiante, ou utilisant l'amiante. Bien sûr on peut se demander si le risque existe car les doses d'amiante sont relativement limitées, mais récemment une expérimentation qui a été réalisée en Allemagne de l'Est a montré en donnant comme alimentation des fragments de ces filtres à des rats, qu'on obtenait un nombre important de tumeurs chez ces rats.

Je pense qu'il faut être très prudent en ce qui concerne cette contamination alimentaire et digestive en général, et essayer de l'évaluer, d'apprécier son importance et essayer de la limiter.

Speaker

Chaque année, la France consomme 140 000 tonnes d'amiante importées pour la plus grande part d'URSS. L'amiante on le trouve partout dans les plaques de freins, dans les textiles spéciaux, dans certaines tuiles pour le bâtiment. C'est d'ailleurs le bâtiment qui utilise le plus l'amiante en particulier dans tous les systèmes d'isolation. En France on estime généralement à 15 000 le nombre de salariés en contact direct avec l'amiante, mais l'amiante on le respire chaque jour, dans la rue, sur son lieu de travail en faisant griller son pain.

La difficulté est donc d'évaluer exactement le danger de ce contact quotidien avec l'amiante, en effet, il n'y a pas de seuil fixant les risques de cancer, ce n'est pas possible et c'est à cause de cette indétermination que l'on pourra toujours contester les conclusions des savants. Quoi qu'il en soit, on tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme sur les risques que nous courons à fréquenter des produits, des substances, qui ne sont pas fréquentables, l'amiante n'est qu'un exemple parmi les plus spectaculaires, le tout est maintenant de savoir combien de temps il faudra attendre une réglementation qui en contrôle l'usage.

Antenne 2 - Le 19 Décembre 1976

20 H

Didier Lecat

Danger : amiante. Eh oui, il n'y a plus de doute, l'amiante est cancérigène, redoutable, les médecins et les savants du monde entier qui depuis plusieurs années, ont fait des recherches à Lyon, sont maintenant tout à fait formels. Et l'usage de l'amiante est d'autant plus dangereux qu'en 35 ans, la consommation mondiale a décuplée, 500 000 tonnes en 1 930, 5 millions de tonnes en 1975. Bien entendu ce sont les plus menacés, les industriels en sont maintenant conscients, ils ont dépensé un argent considérable pour tenter d'expliquer, de justifier, de rassurer, mais aussi pour prévenir le personnel des usines qui traitent l'amiante ou les produits dérivés. L'amiante, vous allez le voir dans ce dossier, on le trouve partout.

Speaker

La salamandre a tenu longtemps bonne place parmi les mythes de l'Occident. On la croyait capable de vivre dans le feu. Il y a 10 siècles, Marco Polo a découvert qu'en Asie la salamandre était une substance fibreuse, incombustible, d'aspect laineux, la salamandre c'était l'amiante.

C'est une roche, un minéral fibreux, qui est resté longtemps une sorte de curiosité de la nature, mais qui est devenu un matériau de première importance dans le monde moderne. Il a des qualités exceptionnelles de résistance à la traction, à la chaleur et à la corrosion chimique, le Canada et l'URSS sont les principaux producteurs, la France importe la totalité de sa consommation. L'amiante a envahi l'industrie. Isolant thermique des machines outils, textile incombustible, cartonnages spéciaux, freins pour automobiles, filtres pour les liquides, les médicaments et les vins par exemple, c'est un matériau docile, aux applications multiples. On peut l'associer entre autre à la cellulose et au ciment, le filer et le tisser comme de la laine, en faire des couvertures ou des vêtements ignifuges, on lui découvre chaque jour de nouveaux emplois. En France, l'industrie de l'amiante occupe 14 000 travailleurs.

Dans la construction moderne l'amiante est partout, canalisations en fibro-ciment, cloisons pare-feu, isolations thermiques, elle enrobe les poutrelles métalliques et protège les conduits mais elle est friable, et elle peut se dissocier aisément en fibres minuscules et très légères, une poussière microscopique , qui pollue l'air et en premier lieu bien sûr dans les mines et les usines de traitement.

Mais on en retrouve aussi partout dans les villes, particulièrement lorsque l'amiante est utilisé selon la technique du flocage, c'est-à-dire une sorte d'enduit de plusieurs centimètres d'épaisseur qui à la longue se dégrade, libère les fibres et engendre la pollution. Respirée à forte dose, la poussière provoque une fibrose des poumons, c'est l'asbestose, comparable à la silicose des mineurs, elle est reconnue, comme maladie professionnelle. L'autre risque est pour tous les citadins, c'est le cancer.

Prof. Bignon

Voir déclaration : TF1 - Le 18 Décembre 1976 - 23 h ...

Speaker

Au Centre universitaire Jussieu à Paris, le collectif intersyndical de sécurité composé de chercheurs et d'étudiants a sonné l'alarme il y a plus d'un an, et poursuit sa campagne d'information. Jussieu est, il est vrai, particulièrement pollué. 50 000 étudiants fréquentent le centre qui regroupe les universités de Paris 6 et Paris 7.

Les associations de consommateurs de leur côté demandent que l'on s'attaque d'urgence à ce problème de santé publique.

François Lamy - U.F. C.

Que ce soit compliqué, il n'y a pas l'ombre d'un doute, que l'on prenne des décisions immédiates, c'est plus qu'urgent et que l'on fasse machine arrière, c'est un investissement qui est absolument vital. Ce n'est pas en l'an 2000 que l'on décidera finalement de faire machine arrière parce que la chose sera encore plus grave, et effectivement le temps de cancer, il est de 30 ans mais il ne faut pas attendre que tous les cancers se soient déclenchés pour prendre les mesures qui conviennent, donc on peut immédiatement faire machine arrière, protéger tous les endroits qui sont exposés, supprimer l'amiante des boissons et des médicaments, cela est immédiatement possible par une réglementation appropriée.

Speaker

C'est possible techniquement, est ce que financièrement ça l'est ?

François Lamy

Financièrement c'est une opération qui est coûteuse mais technologiquement dans la plupart des cas on utilise par exemple l'amiante pour des produits alimentaires de consommation courante. On peut le remplacer, on peut remplacer ces filtres par d'autres filtres qui remplissent exactement le même usage. Donc bien entendu il y a un petit investissement au départ à faire, qui n'est rien par rapport à l'intérêt de santé qu'il convient de défendre.

Speaker

De toutes façons, selon vous il n'y pas le choix ?

François Lamy

De toutes façons il n'y a plus de choix, et il faut faire très vite.

Speaker

Marco Polo raconte que le Grand Khan, avait offert au Pape un drap d'amiante pour protéger du feu le suaire du Christ. En l'église Ste Monique, de Chatenay Malabry, inaugurée en 1965, c'est sous un plafond d'amiante floqué que viennent prier les fidèles. Laissera-t-on à Dieu seul le soin de les protéger ?

FR3 - Le 19 Décembre 1976 - 22 H

Speaker

L'amiante en accusation. Des chercheurs réunis à Lyon lançant un cri d'alarme. L'amiante est cancérigène, son usage est dangereux et sa consommation a décuplée depuis 1930.

Speaker

... Voir commentaires TF1 - Le 18 Décembre 1976 - 23 H ...

RMC - Le 17 Décembre 1976 - 18 h 30 J. Benard

20 spécialistes mondiaux réunis à Lyon au Centre International de Recherche pour le Cancer. A chaque fois un thème particulier est abordé, et cette fois-ci, c'est l'amiante qui a été mis en accusation, alors ces spécialistes sont formels, l'amiante est dangereux et spécialement pour les travailleurs de l'amiante, comme l'a confirmé à Cl. Régent, Le Professeur J. Bignon qui dirige un groupe de recherches de l'amiante :

Le Professeur J. Bignon

Quand on prend une population de travailleurs exposés à inhaler de l'amiante, du fait de leur profession, le risque de cancer est très important, la fréquence de mortalité par cancer dans la population générale est d'environ 20 pour cent. Chez les travailleurs de l'amiante, la mortalité par cancer est de 40 pour cent, donc vous voyez que le risque de mortalité par cancer est double dans une population de travailleurs de l'amiante. Alors pour le moment, les conclusions pûrement scientifiques, à partir de faits établis, et compte tenu du délai d'apparition des cancers de l'amiante, pour un cancer du poumon en rapport avec une (mot incompris) d'amiante, il faut compter 20 à 30 ans, et les conclusions du groupe de travail sont très prudentes, en disant qu'en ce moment la population générale est exposée à inhaler voire à ingérer de l'amiante, mais que pour le moment, on ne peut pas dire si ces doses inhalées ou ingérées seront responsables d'une augmentation de la fréquence du cancer dans la population générale.

Après cette conférence de presse, le Centre International de Recherche sur le Cancer s'est senti obligé de publier un communiqué dont bien des termes pourront paraître ambigus, mais qui affirme néanmoins avec force qu'" ... il n'y a pour l'instant pas d'indice que les fibres d'amiante ingérées soient cancérogènes pour l'homme ".

On notera que, dans ce communiqué, le CIRC s'abstient de toute évaluation chiffrée ainsi que de toute extrapolation de chiffres pour l'avenir. Voici ce communiqué :

Communiqué de Presse CIRC/68 - Lyon, 23 Décembre 1976

AMIANTE ET CANCER - NOUVELLE ÉVALUATION

On a montré que toutes les formes commerciales d'amiante sont cancérogènes pour la souris, le rat, le hamster et le lapin. L'exposition professionnelle de l'homme à ces mêmes matières provoque une forte incidence de cancers du poumon et de mésothéliomes. Telles sont les principales conclusions auxquelles est parvenu le Groupe de travail que le Centre international de Recherche sur le Cancer a réuni à Lyon pendant cinq jours, du 13 au 17 Décembre 1976.

La première partie de la réunion a été consacrée à un examen de toutes les données déjà publiées dans les revues scientifiques sur les rapports entre l'amiante et le cancer. Le Groupe a comparé les études sur l'expérimentation animale, d'une part, à celles traitant de l'exposition humaine aux fibres d'amiante, d'autre part.

Les données expérimentales mettaient en évidence un large accord entre les laboratoires de différents pays, diverses tumeurs du poumon et de la plèvre étant observées après l'injection ou l'inhalation de fibres d'amiante. Un laboratoire faisait état de l'apparition de tumeurs chez des rats dont la nourriture contenait de la matière de filtre d'amiante.

Il s'avère que les travailleurs de l'industrie de l'amiante accusent une incidence élevée de cancers pulmonaires, de mésothéliomes (cancers de la plèvre et du péritoine) et, dans une moindre mesure, de tumeurs des voies digestives. Au nombre de ces travailleurs figurent les personnes employées dans les mines d'amiante, les diverses usines de traitement, l'industrie du bâtiment et les chantiers navals où l'amiante est utilisé sous de nombreuses formes. Dans les garages, sont également exposés les ouvriers qui réparent les garnitures des freins.

Le Groupe a noté que des études signalaient l'apparition de mésothéliomes chez des sujets vivant à proximité d'usines d'amiante.

Les travailleurs exposés tendaient à accuser une surfréquence de cancers du poumon, qu'ils fussent fumeurs ou non ; s'ils étaient fumeurs, les deux facteurs avaient un effet multiplicatif et le risque en était extrêmement accru.

Le Groupe s'est aussi inquiété des rapports selon lesquels la population générale pourrait être également exposée aux fibres d'amiante présentes dans les boissons, l'eau potable, les aliments, les préparations pharmaceutiques ou dentaires et tous les produits de consommation contenant de l'amiante. Bien que la cancérogénicité pour l'homme des fibres d'amiante inhalées soit amplement démontrée, il n'y a pour l'instant pas d'indice que les fibres d'amiante ingérées soient cancérogènes pour l'homme. Toutefois, le Groupe a conclu "qu'il n'est à l'heure actuelle pas possible de déterminer s'il existe chez l'homme un niveau d'exposition à l'amiante au-dessous duquel le risque de cancer ne serait pas accru".

On comprendra que, devant le caractère abrupt et alarmant de ces déclaration, les organisations professionnelles de l'amiante aient cru nécessaire de comparer les données proposées au public avec celles résultant d'une approche plus rigoureuse de ces problèmes.

Avant même d'avoir pu examiner au fond le rapport remis au CIRC, elles ont cru devoir faire connaître leur opinion au moyen du communiqué de presse ci-après :

Communiqué remis à la presse le 3.1.1977 par la Chambre Syndicale de l'Amiante et le Syndicat de l'Amiante-Ciment.

Certains scientifiques ont fait savoir à la presse, le Vendredi 17 Décembre, qu'ils avaient remis, pour examen, un rapport au Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), à Lyon, à propos des risques liés à l'amiante.

Le contenu de ce rapport n'est pas encore connu officiellement mais des informations graves, mettant directement en cause l'avenir personnel et professionnel des travailleurs de l'amiante, ont été publiées à partir des seules déclarations faites à la presse, et sans qu'il soit possible d'en vérifier les bases ... et la cohérence.

L'ESCALADE DES CHIFFRES

C'est ainsi qu'il a été affirmé que 40% des travailleurs de l'amiante sont menacés de mort par cancer. A la suite de quoi, on annonce qu'aux Etats-Unis, sur un nombre de professionnels évalué à un million, 260 000 vont mourir d'un cancer, et qu'en France, on estime que 250 000 personnes sont "concernées" professionnellement par l'inhalation de poussières d'amiante et par le "risque énorme" qu'elles encourent ainsi, comparé à la fréquence du cancer dans la population.

Par ailleurs, en ce qui concerne les fibrilles d'amiante présentes dans les boissons, bien que l'on ait conclu " qu'il n'y a pas, pour l'instant, d'indice que les fibres d'amiante ingérées soient cancérogènes pour l'homme", on fait pourtant état d'une expérimentation en Allemagne de l'Est qui mettrait en doute cette conclusion, mais sans apporter de données précises sur le lieu et les conditions de l'expérimentation, ses résultats et les conclusions qu'ils permettent de tirer.

Ce n'est pas la première fois que les chiffres et les données sont ainsi "sollicités" par certains scientifiques, dans le but évident de donner à leurs déclarations un grand retentissement.

Ne relève-t-on pas, par exemple, dans la presse américaine des citations du Professeur L. Selikoff estimant successivement le nombre de personnes exposées dans l'industrie de l'amiante aux Etats-Unis

- à 250 000 (Wall Street Journal - 8.6.72)

- à 500 000 (New York Times - 13.6.72)

- à 1 million (The Washington Post - 9.9.76)

La prédiction du nombre total de décès passant de 95 000 à 490000. Ce sont ces derniers chiffres qui ont été repris dans les déclarations du 17.12 et qui ont servi de base au taux de 40% extrapolé à la France par le Professeur J. Bignon.

D'extrapolation en extrapolation, on aboutit à des résultats "sensationnels" mais qui ne doivent rien à la rigueur scientifique.

LES BASES DE CALCUL

Devant cette situation, la Chambre Syndicale de l'Amiante et le Syndicat de l'Amiante-Ciment apportent les précisions suivantes :

- Les résultats des études "épidémiologiques" effectuées aux Etats-Unis et au Canada, tels qu'ils ont été publiés par Irving J. Selikoff et E. Cuyler Hammond (1), ne sont extrapolables ni à l'ensemble des travailleurs américains, ni aux professionnels français de l'amiante. Ils portent, en effet, sur une catégorie particulière : les calorifugeurs.

- De plus l'étude sur l'échantillon le plus nombreux (17 800 calorifugeurs des Etats-Unis et du Canada) établit des comparaisons entre des groupes non comparables puisqu'elle rapproche des groupes de travailleurs de l'amiante (fumeurs pour l'un, non-fumeurs, pour l'autre, "habitudes du tabac non déclarées", pour un troisième) de groupes témoins (population non professionnelle) pour lesquels le critère "fumeur/non-fumeurs "n'est pas pris en considération. Pourtant ce critère semble déterminant puisque lrving J.Selikoff et E. Cuyler Hammond déclarent à propos des résultats de cette étude (1 déjà cité) : "... ces nouveaux résultats démontrent, une fois de plus, que les travailleurs de l'amiante qui ne fument pas, ou fument seulement la pipe et/ou le cigare, ont à peu près le même risque de cancer pulmonaire que les personnes qui ne sont pas professionnellement exposées à la poussière d'amiante".

- Ces études portent sur des personnes dont le début de l'activité professionnelle dans le calorifugeage avec des produits à base d'amiante se situe, pour la plupart d'entre elles, entre les années 20 et les années 50 : donc, non seulement dans un métier très particulier, mais également à une époque où les conditions de travail n'étaient pas ce qu'elles sont devenues depuis lors (absence de contrôle sanitaire et de mesures de protection notamment, période de guerre, etc ... ).

- Dans ces conditions, il est abusif d'extrapoler pour l'avenir (on a parlé du prochain demi-siècle, ou des 30 prochaines années), et à l'ensemble des professionnels (et même à la population générale), des données résultant d'une exposition remontant, dans certains cas, à plus de cinquante ans et, en tout cas (compte tenu du temps de latence bien connu pour ces affections) à vingt ans au moins.

- Les experts bio-statisticiens et démographes s'accordent pour refuser une telle extrapolation. On peut d'ailleurs citer comme exemple d'un tel abus d'extrapolation des chiffres, celui de l'évolution du nombre de victimes de la route (selon les données publiées par le Service d'Etudes Techniques des Routes et Autoroutes - SETRA - du Ministère de l'Equipement).

En 1953, le nombre de tués sur la route a été de 8 633 pour 79,2 milliards de passagers/km (soit 10,9 tués pour 100 millions de passagers/km). Si l'on avait appliqué, à ces chiffres de 1953, les méthodes de "calcul anticipé" du Professeur Selikoff, en tenant compte du taux de progression du trafic routier, on aurait "prédit" pour 1973, 40 810 morts sur les routes. Le nombre réel n'a été que de 17 599 tués pour 374,4 milliards de passagers/km (soit 4,7 tués pour 100 millions de passagers/km).

En vingt ans, le risque a été divisé par 2,3 alors que le trafic s'est trouvé, lui, multiplié par 4,7.

Cet exemple montre bien le caractère hautement hasardeux des extrapolations au présent et à l'avenir, de données constatées dans le passé.

En vingt ans, l'amélioration des véhicules et du réseau routier, les campagnes de sécurité ont profondément modifié les bases de calcul.

De même aujourd'hui, il n'est pas possible de prendre purement et simplement les résultats d'observations portant sur une catégorie de professionnels dont le début de l'exposition remonte à 20, 30, 40 ou 50 ans, c'est-à-dire dans un passé mal connu, alors que les mesures de protection, les campagnes de sécurité, les contrôles d'empoussièrement ont totalement modifié les conditions de travail.

Un autre exemple peut être trouvé dans l'évolution du nombre de décès par tuberculose. Cette maladie était, en 1950, la cause principale de près de 30 000 décès, soit plus de 5% de la mortalité annuelle. Elle n'était plus, en 1972, qu'à l'origine de moins de 1 % de la mortalité.

Ces deux exemples illustrent combien est hasardeuse l'extrapolation de données statistiques et leur projection vers l'avenir. Lorsque les paramètres qui ont servi de base à leur établissement ne sont pas strictement comparables, toute extrapolation est, dès lors, rigoureusement impossible.

Avant même d'avoir pu examiner, au fond, le rapport déposé au CIRC et au vu des déclarations qu'il semble avoir inspirées, la Chambre Syndicale de l'Amiante et le Syndicat de l'Amiante-Ciment ne peuvent manquer de se poser certaines questions :

1. Pourquoi des "scientifiques", dont l'attitude est, par essence, de réserve et de prudence, se livrent-ils à de véritables "opérations de commando", aujourd'hui contre un produit, hier (et demain probablement) contre d'autres, en l'absence de toute considération objective sur l'utilité, l'efficacité, voire le caractère indispensable et irremplaçable de ces produits, et sans tenter de rapprocher la notion de risque éventuel de celle des services rendus ?

2. N'est-il pas étrange de voir constamment participer à ces "battages" certains scientifiques, certains syndicalistes ou certains groupes politiques sans que jamais il ne soit fait référence aux conséquences que de telles opérations peuvent avoir sur les activités économiques?

3. A supposer que les convictions ainsi exprimées soient pures, comment s'expliquer que la défense d'une "bonne cause" puisse avoir besoin de manipulation des chiffres (comme la preuve vient d'en être faite) pour démontrer son bien-fondé ?

En conclusion, la Chambre Syndicale de l'Amiante et le Syndicat de l' Amiante-Ciment rappellent la position qu'ils ont publiquement annoncée de ne laisser aucun de ces problèmes dans l'ombre et de les examiner, dans un esprit d'ouverture et de parfaite loyauté, avec tous les partenaires concernés : Pouvoirs Publics, organisations syndicales et communauté scientifique.

Ils notent qu'à ce jour, en dépit de leurs démarches répétées, aucun de ces partenaires n'a encore manifesté, de son côté, de volonté d'ouvrir ce dossier dans la clarté et l'objectivité.

 (1) Multiple risk factors in environmental cancer - Conférence du 10 Décembre1974 - Texte publié en 1975.